S’il fallait une preuve supplémentaire pour souligner l’indépendance de plus en plus grande de François Fillon à l’égard de Nicolas Sarkozy, elle fut donnée par l’affaire des sept policiers de Bobigny condamnés par la justice à de la prison ferme après avoir accusé faussement un automobiliste d’avoir percuté un policier alors qu’il l’était en réalité par une voiture de police. Une affaire montée de toutes pièces pour camoufler une bavure domestique. L’affaire avait violemment secoué le landernau politique. D’abord, par les manifestations de colères organisées par les policiers pour protester contre ce jugement. Ensuite, pour les violences verbales entre policiers et magistrats qui érigent un mur d’incompréhension et de défiance. Les uns et les autres s’échangent des amabilités comme une violation de l’esprit des lois ou une compromission, par inaction et excès de tolérance avec le monde délinquant. L’affaire prendra des proportions gravissimes lorsque le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux s’insurge publiquement contre le jugement. Dans une posture inédite, il s’oppose à ce jugement et se coltine les cris d’indignation et de la magistrature et de Michel Mercier, ministre de la Justice, qui prend un malin plaisir à rappeler au ministre de l’Intérieur, gardien de l’ordre républicain, que personne n’est au-dessus de la loi et que la loi s’applique avec la même rigueur à tout le monde. L’opposition n’est pas restée inerte face à cette polémique et a saisi l’occasion de stigmatiser la nouvelle bavure de Brice Hortefeux. Apres le ratage en communication des effets paralysants de la neige en Île-de-France et sa dénégation de la pagaille, Brice Hortefeux s’est fait remarquer par sa contestation d’une décision de justice. De nombreuses voix se sont élevées pour exiger la démission de Brice Hortefeux sur le thème : «En soutenant les manifestations des policiers, Brice Hortefeux a aussi incité les forces de l’ordre au désordre, fait rarissime et irresponsable». Et si sur ce sujet particulier, Nicolas Sarkozy est resté silencieux, François Fillon a surpris son monde par la vigueur de sa réaction. Les mots choisis ont été perçus comme un désaveu cinglant de la démarche de Brice Hortefeux. Il a qualifié les actes reprochés aux policiers de Bobigny de «faits irresponsables» en rappelant que «l’honneur de la police» exigeait «un comportement irréprochable». Brice Hortefeux peut se payer le luxe d’ignorer cette salve d’avertissements en provenance de Matignon tant que Nicolas Sarkozy, lui, conserve une inconstitutionnelle confiance. Il n’empêche que la sortie de François Fillon met davantage de pressions sur Brice Hortefeux et l’oblige à réfléchir mûrement ses prises de positions avant de les rendre publiques. La raison en est simple. C’est qu’en tant que chef de gouvernement, François Fillon est entré dans une séquence où il ne peut plus tolérer ouvertement les brebis galeuses qui jouent leurs propres partitions sous prétexte de bénéficier d’une protection «ad vitam aeternam» de l’Elysée. Il faut qu’il montre, pour faire la différence entre la première partie du quinquennat, qu’il est le chef d’orchestre gouvernemental et qu’il ne peut plus tolérer de fausse notes. Surtout quand la désobéissance en question menace de provoquer et de nourrir un vrai conflit entre policiers et magistrats.