Crise économique, désespoir politique, impasse idéologique obligent, 2010 aura été sans aucun doute l’année où les populismes auront connu leurs heures de gloire. Qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite, ils ont marqué la scène politique française de leur empreinte, si forte qu’on leur destine déjà une influence inédite sur les enjeux et les scrutins à venir. Ces deux populismes sont actuellement incarnés par deux icônes relativement nouvelles. Elles ont le vent en poupe, comme des stars d’une télé-réalité politique grandeur nature. Le premier, d’extrême droite, est porté par Marine Le Pen, la fille de son père, dont la désignation à la tête du Front National paraît presque acquise. Le second, d’extrême gauche, est porté par une révélation quasi miraculeuse de Jean-Luc Mélenchon, ex-socialiste, revenu à ses sources trotskistes pour réécrire le combat social. Le succès de ces deux personnalités révèle chacune à sa manière le degré de faillite de leur famille d’origine. Quand le Front National, sous la houlette de Marine Le Pen, s’apprête à briller de mille feux au point de menacer d’être présent au second tout de la prochaine présidentielle, il souligne d’un marqueur rouge le flagrant échec de la droite notamment de Nicolas Sarkozy à le contenir dans les limites du «supportable républicain». Quand une grande machine comme le Parti socialiste, que d’illustres éléphants inspirent de leur sagesse et de leurs savoir-faire et que de jeunes talents irriguent de leurs passions et de leurs enthousiasmes, en est réduit à craindre les dommages collatéraux de l’activisme de Jean-Luc Mélenchon, coprésident du tout nouveau «Parti de la Gauche», cela en dit long sur les erreurs du projet et sa capacité à séduire et à mobiliser. Il n’y a aucun point commun entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, sauf celui de tenir la corde par des bouts extrêmes opposés. L’extrême droite était depuis le crépuscule de Jean-Marie Le Pen, à la recherche d’un second souffle. Elle le trouva en Marine Le Pen, une femme politique qui tente le délicat mélange à dire les vieux maux de l’extrême droite avec des accents dépouillés de leur fantasme le plus ravageur comme l’antisémitisme. Histoire de redevenir fréquentable et d’accéder à une respectabilité jusque-là interdite à son père.
Jean-Luc Mélenchon, lui, avait choisi de déserter un Parti socialiste, travaillé par des démons centristes qui ne veulent pas dire leurs noms. Il lança une grande OPA sur le discours de l’extrême gauche. Son succès s’expliqua par la faillite consommée du Parti communiste français, les limites des imprécations anti-capitalistes d’Olivier Besancenot. Il développa une posture de gauche qui trouva une résonance particulière auprès de l’opinion et des médias. Quand le PS hésite, il est devenu celui qui parle à gauche. L’UMP de Nicolas Sarkozy et le PS de Martine Aubry doivent composer avec ces deux populismes incarnés par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Sarkozy sera tenté d’aller davantage sur le terrain du FN. Et Martine Aubry sera amenée à gauchir davantage son discours pour remplir le vide et occuper le territoire. Leur succès dépend beaucoup de la force de nuisance de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon. S’il est vrai que les dépendances sont d’ampleur inégale, il est tout aussi vrai que le vainqueur de l’étape finale se doit de faire taire sa propre contestation.