Chroniques

Autrement : Fragiles servitudes, fragiles certitudes

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Après un mois d’émeutes dans les principales villes du pays, le chef de l’Etat en exercice depuis presque un quart de siècle, a été conduit à s’exiler en Arabie Saoudite. On ne sait pas réellement ce qui a été déterminant dans son départ. La peur de la vengeance populaire à son égard ? La pression de l’armée dont les chefs ont refusé de faire tirer sur les foules? Les évènements n’ont pas fini d’être commentés. D’autant plus que l’avenir s’avère très incertain. Le «système Ben Ali» reposait sur un maillage policier comme il en existe peu d’identiques dans le monde. Ceux qui étaient ainsi les «nervis» du pouvoir restent capables de fomenter beaucoup de troubles, comme en témoignent les pillages et les actes de violence à l’œuvre ces jours-ci. Cela dans un contexte où les produits alimentaires de base sont devenus inaccessibles à beaucoup. La Tunisie, à présent, doit se construire autrement. Quelle transition politique va pouvoir se réaliser? Avec quels hommes ? Durant des années, les pays occidentaux, France en tête, ont argué que Ben Ali était le seul rempart en face d’une possible prise de pouvoir par les islamistes. Mais les évènements qui se sont déroulés ces dernières semaines n’avaient été préparés par personne. Les islamistes, sans doute très affaiblis par des années de répression, ne les encadraient pas. Peuvent-ils, à l’occasion des élections annoncées, prétendre gagner? Ce qui vient de se jouer dans ce pays du Maghreb appelle de nombreuses réflexions. D’abord sur la cécité dont on fait preuve au sujet de la Tunisie, toutes ces dernières années, la plupart des responsables politiques du monde et la plupart des commentateurs. Il y a, ainsi, des réalités que nous ne voyons pas parce que nous nous en sommes fait des représentations que l’on croit être des vérités intangibles. Il y a quelque chose de pathétique dans les «découvertes» que semblent faire ces derniers jours les éditorialistes de la presse occidentale. Jamais, ou presque, ils ne parlaient de ce pays. Et maintenant ils sont prêts à l’ériger en modèle de révolution pour tout le monde arabe! Le départ de Ben Ali ne peut pas, non plus, ne pas nous faire réfléchir sur la fragile condition de l’homme, quel qu’il soit, et sur la fragilité des liens entre les humains. L’ex-chef d’Etat tunisien était reçu partout dans le monde avec beaucoup de préventions. Presque tous les puissants de la terre le courtisaient. Or, obligé d’abandonner le pouvoir, il s’est retrouvé, instantanément, un personnage indésirable. Pendant plusieurs heures, l’avion qui l’emmenait a tourné dans le ciel sans savoir manifestement où se poser! Le «tout puissant» du palais de Carthage est devenu un homme abandonné, sans plus aucun pouvoir, sans plus aucun ami. Un fugitif. Ainsi, les alliances ne résistent pas quand on chute. Les amitiés en politique ne sont que mensonges. Elles sont faites de liens impures et éphémères qui ne résistent pas aux intérêts du pouvoir. Fragile humanité. Fragiles certitudes. Fragiles servitudes.

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