La Turquie et le Qatar ont suspendu jeudi leur médiation destinée à débloquer la grave crise politique au Liban après deux jours de contacts intensifs infructueux, au moment où l’armée continuait de renforcer sa présence à Beyrouth surtout devant les institutions de l’Etat. Cette suspension survient au lendemain de l’annonce par l’Arabie Saoudite qu’elle abandonnait sa médiation avec la Syrie, en parlant d’une situation «dangereuse» qui pourrait mener à la partition du Liban multiconfessionnel, où le pouvoir est partagé entre chrétiens et musulmans (sunnites et chiites). Depuis des mois, le Liban est divisé sur le tribunal de l’ONU en charge d’enquêter et de juger les responsables de l’assassinat en 2005 de l’ancien Premier ministre sunnite Rafic Hariri dans un attentat à Beyrouth qui avait plongé le pays dans la tourmente et provoqué des crises à répétition. Avec la démission des ministres de son camp le 12 janvier, le puissant mouvement armé chiite Hezbollah, qui s’attend à être mis en cause par le TSL, a provoqué la chute du gouvernement dirigé par le fils de Rafic Hariri, Saâd, après avoir fait pression sans succès sur celui-ci pour qu’il désavoue le TSL. Allié de la Syrie et de l’Iran, le Hezbollah, considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis et Israël, accuse le tribunal de tremper dans un complot «israélo-américain» visant à le détruire, et prévient qu’il se «défendra» contre toute charge. Le camp de Saâd Hariri est soutenu par l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis. La nouvelle crise inquiète fortement la communauté internationale qui craint une résurgence des violences, notamment après le dépôt lundi de l’acte de l’accusation au contenu confidentiel pour le moment. Selon des correspondants de l’AFP sur place, l’armée a continué de renforcer ses effectifs dans la capitale libanaise, avec l’apparition de chars, surtout autour des institutions publiques dont le Sérail, la résidence du Premier ministre, et le déploiement de barrages routiers. Les ministres turc Ahmet Davutoglu et qatari Hamad ben Jassem ben Jabr al-Thani ont annoncé, dans un communiqué, avoir suspendu leurs efforts à la suite de réservations des deux parties sur une proposition pour sortir de l’impasse. «Nos efforts ont débouché sur une proposition qui tient compte des exigences politiques et légales pour régler la crise sur la base de l’initiative syro-saoudienne», ont-ils affirmé après deux jours de discussions intensives avec les principaux protagonistes. «Mais tenant compte de certaines réserves, ils (les ministres) ont décidé de suspendre leurs efforts pour le moment et de quitter Beyrouth pour consulter leurs dirigeants», ajoute le texte. Selon plusieurs sources politiques, l’initiative syro-saoudienne proposait que le Liban désavoue le TSL en échange de garanties du Hezbollah qu’il ne recourra pas à ses armes contre ses rivaux et qu’il évitera de paralyser les institutions de l’Etat. En mai 2008, au bout d’une crise politique de près de deux ans, en partie due aussi au TSL, le Hezbollah avait, lors de combats armés avec des partisans de Saâd Hariri, pris pendant quelques jours le contrôle du secteur ouest de Beyrouth, à majorité musulmane. Ces affrontements avaient failli plonger le pays dans une nouvelle guerre civile après celle de 1975-1990. La proposition turco-qatarie a été soumise au Hezbollah dans la nuit mais aucune réaction n’a pu être obtenue du mouvement. Cependant pour Atef Majdalani, un député de la majorité parlementaire de Saâd Hariri, les derniers développements montrent que «le Hezbollah a décidé de recourir à l’action militaire et de continuer son coup lancé avec la démission des ministres de son camp».
Jocelyne Zablit (AFP)