Culture

Assia Belhabib : «Analyste des événements, Khatibi aurait eu beaucoup à écrire»

© D.R



ALM : Comment est née l’idée de ce livre?
Assia Belhabib  : Lorsque Abdelkébir Khatibi est décédé le 16 mars 2009, ce fut comme un séisme dans le paysage culturel marocain et mondial. Khatibi souhaitait apporter encore de nouvelles contributions à une production riche d’une trentaine de livres. Son vœu s’est brusquement interrompu par le silence forcé du départ involontaire. De nombreux hommages sous forme de colloques, séminaires, journées d’études ou séances de témoignages lui ont été rendus au Maroc et à l’étranger. Bien que nécessaire un temps, cette démarche demeurait insuffisante car la parole se perd et s’oublie. Il fallait trouver quelque chose d’autre qui s’inscrive dans le palimpseste de la trace khatibienne. L’idée de ce livre s’est imposée à moi comme une évidence quelques jours après son décès pour prolonger le débat avec lui et pour dire que sa pensée restera présente et forte malgré le départ définitif. Les livres ont cette qualité de défier le cours du temps en imprimant sur la page d’écriture l’attachement indélébile aux êtres et aux choses qui marquent.

Comment s’est fait le choix des vingt-deux auteurs des textes du Jour d’après?
J’ai pris contact avec un grand nombre de personnes susceptibles d’être intéressées par cette idée de collectif où la personnalité de chacun devait s’effacer au nom de la tâche qui était attendue: parler d’un autre, parler avec un autre, et plus que jamais donner sens à cette expression bien connue de Rimbaud «Je est un autre». Un seul mot d’ordre envoyé à chacune d’elles : respecter un délai très bref pour permettre au livre de paraître pour la première commémoration du décès de l’écrivain. Venus d’horizons géographiques et professionnels divers, chacun a écrit en fonction de son humeur, de son rapport avec l’écrivain disparu, de son besoin de témoignage, de sa sensibilité de lecteur, de sa fibre d’artiste. En égrenant les pages de ce livre, on va à la rencontre de poètes, romanciers, nouvellistes, essayistes, psychanalystes, journalistes, universitaires, artistes-peintres et photographes.

Dans quelle mesure la pensée de Khatibi demeure-t-elle toujours d’actualité?
C’est une question essentielle surtout depuis que le monde arabe et maghrébin en particulier est en train de vivre des moments historiques. Intellectuel engagé dans le sens d’anticipateur et d’analyste des événements, Khatibi aurait eu beaucoup à écrire. On peut toutefois revenir sur nos pas et relire ses textes à la lumière de l’actualité sensible et troublante que nous connaissons et qui mérite d’être appréhendée avec prudence et exigence. Le temps des revendications ne doit pas rendre aveugle et les jeunes si aptes à dénoncer ce qui ne fonctionne pas devraient faire preuve d’humilité comme les aînés d’ailleurs, en prenant le temps d’analyser sobrement les choses et de programmer un devenir dans la stabilité, qui n’est pas incompatible avec le fort désir de réformes. Sans sérénité et sans dialogue social, point de changement constructif. C’est ce que dit chacun des livres de Khatibi car ce sont des leçons de vie, de tolérance et de partage de la connaissance qui sont les ennemis du choix intempestif et radical. La retenue du propos et la générosité du geste, voilà ce que chaque écrivain qui nous parle peut gagner à nous toucher surtout lorsque la réalité qu’il décrit est si proche de nous et si prometteuse d’étrangeté.

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