Les élections servent à peine de fond d’écran : les joyeuses retrouvailles entre proches par filiation commune au parti de l’Istiqlal occupent le devant de la scène, reléguant les LCD qui diffusent des reportages sur les opérations de vote au simple rôle de bruits et d’images d’accompagnement. L’atmosphère est indubitablement plus festive que politique. Accolades distribuées à tour de bras et rigolades lancées à la cantonade fusent ici et là, au gré des rencontres, comme pour convaincre- ou se convaincre- de la victoire électorale. Ce spectacle, c’est celui de la veille d’armes organisée au QG de l’Istiqlal en attendant les premiers résultats des législatives anticipées. En cette soirée du vendredi 25 novembre, au siège de l’Istiqlal de Bab El Had, la veillée d’armes qui suit ordinairement des élections dans les états-majors des partis a des allures de kermesse. N’eût été la présence en fond de salle d’un écran géant où s’inscrit un tableau à double entrée- qui d’ailleurs clame sa vacuité de tout résultat-, on aurait cru que les élections étaient une affaire des seuls médias. A un ou deux moments près. Le premier a valu par contumace au ministre de l’intérieur Taieb Cherkaoui des applaudissements nourris quand il a annoncé à la TV un taux de participation supérieur à 45%. Le deuxième a remercié Taoufiq Hejira pour une brève prestation devant les caméras de la SNRT dans laquelle il a dit le sentiment du parti de l’Istiqlal au soir de la journée de vote. Ces moments privilégiés mis à part, les élections, il faut aller les chercher. Premier arrivé sur les lieux et manifestement maître des cérémonies ce soir-là, Taoufiq Hejira se dit optimiste sur l’issue de la consultation électorale. Mais, en politique avisé, il met plusieurs pièces à sa construction. «De toute manière, que nous soyons les premiers ou pas, c’est l’intérêt suprême de la Nation qui prime. Et cet intérêt-là, nous avons montré en plus de soixante-dix ans de pratique de la chose publique que nous lui accordons une importance absolue». Fort de cette conviction, il dit alors les sentiments qui l’habitent : il est optimiste pour ce qui est des résultats finals car, grosso modo, les élections se sont bien déroulées. Bien sûr, il y a eu quelques dérapages, voire des cas d’usage illicite d’argent pour acheter des voix, mais cela ne porte pas à grave conséquence. D’autant plus que l’administration a fait son travail en observant un comportement de «neutralité active». Saâd Alami creuse ce sillon et affirme qu’en se conformant à son rôle de veille à la régularité, l’administration a fortement contribué au bon déroulement et à la sincérité des opérations de vote. «De toutes les élections, celles-ci sont à mon avis les plus représentatives. Maintenant que nous avons trouvé la recette, il nous faut aller plus en avant pour les consultations qui s’annoncent à l’horizon proche». Le militant de la deuxième génération qu’il est – une fournée à peine moins convaincue que celle des pères fondateurs- déclare que les résultats des législatives anticipées ne lui paraissent pas faire de doute : l’Istiqlal arrivera en tête. Et ceci fait, il cherchera à former son équipe. Mais attention ! pas n’importe dans quelle paroisse: d’abord la Koutla, puis si le besoin s’en fait sentir : du côté du PJD, auquel il reconnaît un certain nombre de préoccupations communes. Pour Nizar Baraka dont le long aparté avec le leader Abbas El Fassi ce soir-là a fortement été remarqué : le PJD est un parti tout à fait honorable. «A deux reprises au moins, il en a donné la preuve : lors de sa campagne pour le référendum et à travers son attitude à l’encontre du Mouvement du 20 février». Venant de la part d’un des jeunes loups de l’Istiqlal, ceux qui auront à le manager demain, l’assertion a valeur de forte probabilité. Mais, précise-t-il, «les alliances ne se feront qu’à la condition que notre programme serve d’ossature à celui du gouvernement de coalition. En attendant que ce demain se présente, il est tout à fait légitime de se réjouir de ce qui nous est arrivé ce 25 novembre». Car, selon Baraka, les Marocains se sont réconciliés avec la politique. Et cela tout autant par effet de la Constitution du 1er juillet que celui de la campagne des partis.