Suite à plusieurs échos favorables reçus du restaurant-bar-tapas, la Bodéga, sis derrière le Marché central de Casablanca, nous avons fini par céder à la mode et nous rendre dans cet endroit, motivés par le désir de découvrir. Et surtout, de nous faire une opinion définitive après l’introduction il y a trois ans de la Vodka Absolut Mandarin (les lieux avaient été aussi rénovés) qui avait, disait-on, étiré les prix. Autre source de motivation, constater sur le terrain si avec le temps, les choses ont évolué. L’existence éphémère de la Bodéga Revolver vers la côte casablancaise avait échauffé quelques esprits qui se sont depuis habitués au jeu de la concurrence. Pas de temps d’attente. Voici nos impressions.
Tri automatique à l’entrée. Plusieurs groupes de jeunes se pressaient. Après un rapide check-up visuel, opéré de la part du responsable de sécurité, (qui n’hésite pas dans certains cas à mener un interrogatoire), nous sommes admis. Mais pas de tables libres au premier.
Mon collègue, surpris par l’ambiance, me demanda, «si nous sommes dans un restaurant». Pas le temps de lui répondre. Un garçon vigilant, qui nous avait aperçus debout, l’air embarrassé, vint vers nous en courant, vêtu à la manière d’un torrero, un joli body blanc et une étoffe rouge autour de la ceinture (pour faire vrai). Il n’y avait pas de place au premier, il fallait suivre l’escalier étroit et descendre au sous-sol, dans la «cale» qui, nous a-t-on expliqué, veut dire «Bodéga» dans la langue de Miguel Cerventès de Genève. Un rapide tour au vestiaire. On nous indiqua des tables en fer massif, déjà aux trois quarts remplis. Casablanca manque cruellement d’animation, déclare un client ravi, «les gens viennent ici pour manger, décompresser et s’ammuser ».
Effectivement, on s’ammusait au rythme latino. Pour se faire entendre, il fallait élever la voix. Le garçon, après moult hésitations, finit par nous désigner un bout de table où gisaient des fourchettes enroulées dans des mouchoirs. Rien à dire sur le décor, les inscriptions bizarres au style hiéroglyphique, les murs surchargés de gravures et d’objets décoratifs. Un mariage réussi avec l’ambiance décontractée des lieux et le défaut «inguérissable» de certains serveurs trop portés au tutoiement. Mais, rien à dire sur la célérité de ces braves garçons, dont certains, sûrement des extra, créaient le surnombre.
L’amabilité du garçon varie en fonction des commandes. Bonne à extrême suivant la note et assez maussade dans notre cas.
La salade au calmar et au poivron, servie sur un boîtier plastique (ce n’est pas un restaurant gastronomique, lance le garçon comme une boutade), est quelconque. Le fruit de mer résiste longtemps à la dent, trahissant un défaut de cuisson ou un séjour prolongé à la cave. Pas d’incident, à part une vive intrusion d’un groupe de sept personnes qui créa l’embarras au personnel. Deux garçons, en torreros, vinrent nous prier polument de changer notre place (trop grande pour deux personnes) contre une plus modeste, située à l’entrée, à quelques mètres de la gardienne des vestiaires. Ce que nous fîmes après quelques palabres qui finirent par des salamalecs et des congratulations. L’incident est clos.
Rien à signaler concernant la Paella servie à heure fixe, entre 21 et 22 heures, sauf qu’elle est trop maigre pour un adulte. Servie à chaud, avec une ambiance chaude, les céréales font monter la température du corps. Rien à voir avec la vraie Paella espagnole. Celle-ci courtise rudement le palais, un peu même, le chef étant sans doute à tendance salé et poivré. L’addition règlée, nous nous dirigeâmes vers la sortie. Tentative ratée. Nous fîmes happés par une foule mouvante, en pleine fête. Nouveau commentaire maussade de mon ami qui n’avait toujours pas tranché sur la nature de l’endroit où il se trouvait : «un tapas, un restaurant, une boîte de nuit» ? A la sortie, le même responsable de sécurité qui nous avait accueillis froidement (nous ne sommes pas des habitués), nous décocha un large sourire de «à la prochaine».
• M. pêcheur