Immobilier

Les capacités de financement du logement

© D.R

Bien que la croissance démographique soit en décélération, le Royaume est en pleine phase d’urbanisation, de sorte que le rythme annuel de création de nouveaux ménages urbains passera de 135 000 en 2002, à près de 150 000 en 2012. Pour faire face à ces besoins, la production de logements autorisés, inférieure à 80 000 par an de 1990 à 1995, est passée à 100 000 en 1998 avec les livraisons du Programme 200 000 logements.
Mais le caractère exceptionnel du Programme, des contraintes de l’offre foncière comme de celui du financement, ne peuvent pérenniser ce rythme qui est à court et moyen termes. Aussi, peut-on affirmer que le déficit de logements urbains, de l’ordre déjà du million de logements, continuera de s’amplifier pour atteindre les 2 millions d’ici à six ans. L’ampleur de ce déficit explique à lui seul des prix immobiliers élevés et la multiplication du logement alternatif dont les bidonvilles en pleine expansion en sont les principaux stigmates. Cette réponse naturelle de la société porte en elle les germes d’un conflit social de premier ordre, dont le coût social se révélerait, à coup sûr insupportable. Pourtant, la réalisation locale, régionale et pas seulement nationale des logements nécessaires chaque année ne peut être qu’une mission du secteur privé de la construction voire de la promotion immobilière, coordonnée par les pouvoirs publics, également locaux. Mais à la condition que les banques commerciales privées organisent le financement des bénéficiaires de chaque logement sous la garantie de l’Etat, à travers une caisse spéciale.

Les origines du mal du logement:

Les problèmes structurels relevant de l’administration sur les marchés immobiliers sont multiples. Ces marchés demeurent restreints par de nombreuses contraintes : foncières, mauvaises immatriculations de plusieurs titres de propriétés, une péréquation foncière inefficace, ainsi que des normes d’urbanisation trop rigides. En outre, les questions strictement pratiques du financement ne manquent pas. Les acteurs économiques, les promoteurs, les ménages et les banques commerciales, malgré leurs tentatives de coopération, sont incapables de mettre en place un financement efficient du logement.

Pour preuve, en 2002 :

–  l’encours des crédits hypothécaires atteignait péniblement les 4,3 % du PIB, et représentent moins de 1% de production par an.
– le système de financement contribue pour moins de 20 % au financement de la production de logement.

C’est sur ce financement que doit se porter toute l’attention.  Quelles réformes mettre en œuvre pour relever le défit du financement de l’habitat ?

Mais attention ! Au risque de voir s’animer une dynamique de spéculation, la réponse à cette question, ces réformes visant à mieux solvabiliser les crédits hypothécaires des ménages, devront être simultanément accompagnées de la réduction des contraintes évoquées plus haut. Pour un développement du crédit hypothécaire. En dehors de la prise en charge des logements à attribuer et celle du crédit hypothécaire recommandé par les autorités locales au profit des familles nécessiteuses à reclasser sur le plan social, le sujet brûlant pour le Royaume, est bien celui de régler cette question de façon urgente et durable. Les différents systèmes d’aide en place à l’heure actuelle, tout comme la distribution de crédits hypothécaires aux ménages tel qu il est réalisé par le secteur bancaire, ont montré leurs limites. Il s’agit donc de passer à la vitesse supérieure. Inventer une véritable machine à construire du logement au Maroc. La demande existe, les capacités privées de production aussi. Seul semble aujourd’hui manquer le financement. Mais lui aussi existe.

Banque Al Maghrib dispose d’énormes réserves en devises, qui couvrent à présent 13 mois d’importation. De l’argent thésaurisé dans sa grande majorité. En effet, une part importante de ces ressources provient des transferts des RME. Et le flux ne tarit pas au contraire. En 2003, les sommes envoyées ont représenté 35 milliards de dh, et 38 milliards en 2004. Tout laisse à penser que le comportement des RME est à long terme. Autrement dit, les sommes déjà positionnées sur leurs comptes en devises ont vocation à y rester, comme en atteste une récente étude de la BCP.

En affectant ces ressources à l’aide d’un vaste programme de financement du logement, cela pourrait conduire tout à la fois à réduire cette crise majeure du logement, à relancer l’économie grâce à la forte activité induite par ce programme et sans pour autant mettre en péril l’équilibre du système financier national.
Pratiquement, ce vaste programme devrait pouvoir compter à terme de plusieurs années jusqu’à 50 milliards de dh (environ 6 milliards de dollars) devenant, grâce à Banque Al Maghrib, un véritable effet levier. Il  sera mis en place, pour cela, des structures associant le système bancaire privé, qui viendrait compléter le capital des futures structures.
A cette fin, nous croyons devoir reprendre les propositions de l’«Étude relative aux aspects financiers et fiscaux du financment du logement au Maroc”, dite Affflm, du ministère du Logement parue en 1999, et qui conclut à la création d’une société de refinancement des prêts hypothécaires, calquée sur celle de la Malaisie, qui a montré son efficacité. Il s’agit d’une Caisse de refinancements des crédits hypothécaires. La création d’une telle société de refinancement hypothécaire est d’évidence la proposition phare de l’Affflm. De quoi s’agit-il ? Permettre aux différents acteurs distributeurs de crédits hypothécaires et donc porteurs de ces créances, de se trouver en situation de se refinancer. C’est le peu d’efficience du marché de la titrisation des créances qui appelle la création de cette caisse. Quand un marché n’arrive pas à s’organiser tout seul, la mise en place d’acteur public ou semi public s’impose. L’exemple de la Cagamas, la caisse de refinancements des crédits hypothécaires  de la Malaisie, créée en 1986, permet de bien saisir ce qu’est un organisme de ce type.
Aux cotés de la société de refinancements qui devra sécuriser les banques commerciales dans la distribution de crédits aux ménages, on pourrait idéalement construire un système de garantie des prêts hypothécaires. Cet organisme, une fois définis les publics prioritaires, apporterait une assurance de bonne fin de remboursement, dont la prime serait à la charge de l’Etat.

Ainsi le premier véhicule garantit la liquidité du marché de refinancement des prêts hypothécaires, apportant également à la place financière marocaine, un nouvel acteur capable d’émettre de la dette long terme de bonne qualité, ce qui n’est pas son moindre intérêt. Le second, lui, limitera les risques des défauts de paiements.
Le poids de Banque Al Maghrib au capital des deux véhicules est à définir. C’est essentiellement sur un objectif de confiance des principaux acteurs (banques, ménages et promoteurs, acteurs internationaux) que ce niveau devra être défini, de manière à garantir auprès des différents acteurs, la stabilité du système et des encours.
Les conséquences en termes macroéconomiques de ce vaste Programme de logement seront importantes. Ce type de politique volontariste permet à la fois de profiter de l’effet relance et de limiter l’endettement des pouvoirs publics. Le lancement de la construction de 200 000 logements par an, objectif optimiste certes, mais auquel il faut coûte que coûte s’attacher, aurait pour conséquence de lancer la croissance de plus d’un point et de créer près de 400 000 emplois (directs ou indirects) par an.

1/- Les problèmes

Malgré les plans successifs visant à réduire le déficit endémique de logements, rien n’y est fait. Le seul problème du financement ne peut expliquer ces ratages successifs. L’incapacité constante des établissements bancaires à s’aventurer dans la distribution à grande échelle de prêts hypothécaires joue pour beaucoup. Face à elles, des ménages souvent peu solvables et eux aussi peu habitués au système du crédit freine son développement. Quant aux promoteurs, on ne peut pas leur jeter la pierre, s’ils ne  s’aventureraient pas à construire sans la certitude d’écouler la majeure partie de leur produit. Or le besoin est là…
Les 5 problèmes auxquels on continue à faire face, aujourd’hui, encore, sont :

-Déficit de logement
-Trop de liquidité en devises inutilisée
-Assurer la confiance des RME dans leurs dépôts.
-Incapacité des banques commerciales à distribuer des prêts immobiliers
-Solvabilité des ménages ou des familles.
Reste une nouvelle occasion de financement éventuel grâce à la capacité de pouvoir bénéficier de l’énorme masse de devises issue des transferts réguliers tous les ans et peu mouvementés. Il faut donc rechercher des solutions possibles, dans cette optique, aux problèmes de financement.

2. / Les solutions

Nous écartons d’emblée les solutions passant par une ponction pure et simple des liquidités en devises de la banque centrale, via un emprunt d’état quasi obligatoire. Ce type de solution, même fondée sur la garantie de l’Etat concourrait à créer un sentiment de panique des investisseurs. On ne peut savoir, en effet, comment ceux-ci réagiraient à ce type de programme. Ne seraient-ils pas tentés de liquider leurs dépôts, plaçant le Maroc en situation de crise de liquidité ?
Comment dès lors assurer à la fois la disponibilité à chaque instant d’une partie importante des dépôts bancaires et son corollaire la liquidité des prêts hypothécaires, détenus par les établissements financiers ?
Il faut, donc, accepter la solution passant par la mise en place d’un véhicule de refinancement hypothécaire permettant à chaque instant aux banques de compenser leurs créances pour faire face à d’éventuels retraits, même massifs. C’est, apparemment, une solution qui sécuriserait le système proposé.
S’agissant de la destination des prêts, le défaut de paiement des familles sociales et des ménages à revenu limité, pose le plus de problèmes. La réponse à cet enjeu passerait par la mise en place d’un autre véhicule garantissant les prêts. Il serait nécessaire de considérer Banque Al Maghrib le seul actionnaire de cette société d’assurance.
Il est fort probable que l’information évidente sur les risques de défaillance de tels emprunteurs rende l’équilibre de cette entreprise pour le moins précaire. Compte tenu de ce paramètre, les primes d’assurance seraient trop importantes et rendraient caduc le système. Aussi, afin de maintenir des primes à des niveaux non dissuasifs, c’est aux pouvoirs publics d’assumer les éventuels (en réalité quasi certains) résultats négatifs de la société d’assurance.C’est à cet organisme qu’échoirait également une partie de la politique sociale du gouvernement. Et ce en articulation avec les aides directes déjà existantes. Le levier de la garantie en modulant l’amplitude selon des critères (sociaux, géographique…) permet de cibler des types de population pouvant bénéficier d’une assurance (complète ou partielle), la rendant de facto plus ou moins attractive aux yeux des établissements bancaires.

3. / Les résultats

On peut, ainsi, prévoir :

– La relance de la construction dans le pays, régionale et locale, et une baisse du chômage
– L’argent libéré contribuerait à la croissance du pays.
– Pas de crise de confiance des RME. Pas de fuite des capitaux
– Les banques commerciales apprendraient à distribuer du crédit même à risque.
– Plus de propriétaires.  Emergence d’une nouvelle classe moyenne par l’intégration économique de plusieurs familles en marge sociale.
Au final, la mise en place de plus de propriétaires et d’une plus large classe moyenne, permettra donc de profiter des ressources en devises à destination du logement. Cette mise en place garantira également le libre accès des RME à leurs dépôts, tout en laissant aux banques commerciales le libre exercice de la distribution des crédits hypothécaires. Elle garantirait, aux banques commerciales, à la fois la bonne fin de remboursement des prêts, grâce à la garantie hypothécaire ainsi que la disponibilité du cash grâce au refinancement…s’ajoutant aux apports des Fondations spécialisées qui existent avec efficacité. Ce montage créerait de fait une activité, une croissance et une baisse du chômage, même s’il générerait, éventuellement, une inflation en sous produits. Car il s’agit bien de création monétaire. En revanche, il serait perçu positivement par les partenaires du Maroc, et devrait avoir au final un impact limité sur la dette publique.
 
4. / Remarques importantes

Sur la question rurale : une telle politique ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion sur le non-développement des zones rurales, au risque de conforter le sentiment d’abandon de ces populations.  Les pouvoirs publics partiellement soulagés de la question du logement, prise en charge par l’économie marchande, devront dès lors s’atteler au développement des zones rurales.
Plusieurs chantiers seraient ouverts, et notamment celui du problème endémique de l’ultra faiblesse de la productivité du secteur agricole. Mais surtout, au regard du vaste programme de développement du tourisme, la valorisation du secteur artisanal. C’est ce dernier qui en occupant une large frange de la population sur place permettra, – sur le plan rural, voire urbain -, de limiter le flux migratoire et son inévitable pression sur la demande de logement, notre objet d’étude. Sur la question de la dévaluation : il faut éviter au Maroc de courir après une chimère. Coûteuse et vaine. La dévaluation qu’appelle en creux le rapport McKinsley, et que soutient également le Fmi, est une impasse. Il ne peut, il ne sera jamais question pour le Maroc de  limiter la concurrence du textile, la Chine dont la monnaie, ancrée au billet vert assure un surcroît de compétitivité, par un prix conjoncturel en cette période de dollar faible. Conjoncturel ? Pourtant, le dollar semblerait au plus bas pour longtemps. Et l’Empire du Milieu ajoute à la faiblesse de ses coûts de production, un avantage supplémentaire. Faut-il pour autant ramener le dirham à 0,5 yuan (parité qui équilibrerait les coûts de production) ?
Poser la question, c’est y répondre. Mieux vaut pour le Royaume pousser son partenariat avec l’Union Européenne et surtout commencer une transition sectorielle.
Le développement du tourisme : ce programme existe avec un objectif réalisable de 10 millions de touristes. Il demande des réalisations, d’une part, d’infrastructures, avec des autoroutes, des routes et des aéroports plus développés ; des aménagements balnéaires, au Nord, au Centre et au Sud et, d’autre part, un développement des centres d’hébergement touristique, ainsi que des hôtels de tous les niveaux. L’investissement devrait être familial et local. Surtout, international et toujours privé. Les infrastructures nationales comme les investissements d’hébergement touristiques pourront bénéficier des mêmes leviers financiers que les capacités du financement du logement….

Articles similaires

ImmobilierLifestyle

Success-story : Sarah Laich, une passerelle immobilière de luxe entre Dubaï et le Maroc

La vision ambitieuse de Sarah Laich pour propulser Marrakech au rang de...

Immobilier

Baptisée «Loger.ma» : Une plateforme marocaine de réservation de logements

Une plateforme marocaine de réservation d’hôtels et de logements de vacances au...

Immobilier

Batimat 2024 : Robobat présente ses solutions

Organisé du 30 septembre au 3 octobre 2024 à Paris

Immobilier

Immobilier : 4.918 unités finalisées par Addoha au 1er semestre

La reprise de la production au Maroc se confirme au deuxième trimestre...

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux

Articles les plus lus