Culture

La grotte des pigeons dévoile ses secrets

© D.R

Au bas d’une montagne, une source abreuve toute la vallée de Zegzel d’une eau limpide et légère. Juste au-dessus, sur la route reliant Zegzel à Berkane, une grotte cache les secrets des hommes, peut-être les premiers à avoir foulé la terre d’Afrique. Elle les délivre avec parcimonie, mais c’est toute l’histoire de l’humanité qui dévoile ses secrets les plus enfouis. Nos aïeux sont passés par là et ont laissé des mollusques marins perforés de type Nassarius âgés de 82.000 ans. Une équipe d’archéologues de renommée internationale vient d’en faire la découverte.
La grotte des pigeons dispose d’une entrée en forme de sourcil, large de 30 mètres et s’élevant à une quinzaine de mètres au-dessus du sommet de remplissage. Sa superficie globale est de 810 m2. Elle offre des conditions favorables à la vie car la hauteur de sa voûte assure une bonne luminosité et une aération convenable. Elle comprend deux pièces bien distinctes.
Une première est située au premier plan, de forme trapézoïdale, large de 30 mètres et longue de 15. Le plafond est très élevé et constitue un abri contre les intempéries et les animaux féroces. Une seconde, multiforme en arrière-plan, où le plafond s’abaisse notablement et qui constitue la grotte proprement dite. De forme irrégulière, elle est longue de 18 mètres et sa largeur varie entre 15 et 20 mètres. Dans l’arrière-fond nord-ouest, elle forme une espèce de chambre semi-circulaire où le remplissage entre en contact avec la voûte.
C’est le Dr Pinchon qui a découvert cette grotte en 1908, mais c’est l’Abbé J. Roche qui a été le premier à l’explorer dans les années quarante. Pour les spécialistes, des fouilles entreprises depuis 1959 ont permis de mettre à jour plusieurs niveaux archéologiques contenant des restes d’animaux et des outils en pierre taillée datant du Paléolithique (entre 40.000 et 100.000 ans). La grotte a ensuite connu plusieurs occupations successives au cours de l’Epipaléolithique par une population de chasseurs qui allumaient à l’intérieur de grands feux provoquant la formation de couches cendreuses pouvant atteindre plus de quatre mètres. Les mesures de radiocarbone ont d’ailleurs permis de dater ces couches cendreuses de 10.500 à 12.500 ans.
Les spécialistes déterrèrent plus de 100.000 outils en pierre taillée, des restes d’animaux et surtout 180 sépultures d’individus appartenant à une race autochtone baptisée « homme de Tafoughalt » qui est à l’origine des populations berbères actuelles. Ces individus ont été enterrés selon un rituel funéraire qui laisse penser que les Epipaléolithiques avaient des croyances religieuses. Tous ces résultats font de la grotte de Tafoughalt un gisement unique au Maghreb qui n’a d’équivalent qu’en Egypte ou au Proche-Orient.
Les recherches ont repris à partir de 2003 par une équipe maroco-britannique équipée d’outils de travail plus sophistiqués. Le travail scientifique qui a dévoilé au monde la dernière découverte a débuté le 5 septembre 2005 et s’est poursuivi jusqu’à la fin de 2006.
Ce site est d’un très grand intérêt archéologique puisqu’il a livré plusieurs restes humains qui sont associés à l’industrie lithique et osseuse, des objets de parures et des restes fauniques.
Selon Abdelajalil Bouzouggar, enseignant-chercheur à l’INSAP et l’un des archéologues spécialistes des périodes préhistoriques, «un de ces squelettes humains a été inhumé avec des cornes de mouflon à manchettes (ammotragus lervia)», un mammifère de type artiodactyle qui était très abondant dans la région montagneuse des Beni Znassen au cours des temps préhistoriques. À côté de ces restes humains, ont été également découverts des outils lithiques et osseux.
Cette nouvelle découverte ouvrira le chemin, selon la même source, vers une meilleure connaissance des rites funéraires des populations préhistoriques au paléolithique supérieur et particulièrement de la culture ibéro-maurusienne qu’a connue la grotte.
Ces mêmes chercheurs, encore sous l’effet de l’importance de leur découverte, viennent de dévoiler au monde une douzaine de mollusques marins perforés de type Nassarius qui datent de 82.000 ans. «Tout a commencé par la découverte d’un seul mollusque perforé, chose qui nous a encouragés à multiplier les efforts pendant quatre ans. Sur la majorité de ces mollusques perforés, une légère usure à des endroits précis accrédite la thèse d’usage en colliers par les autochtones», a expliqué M. Bouzouggar. Le ministère de la Culture précise que ces mollusques sont considérés comme les plus anciens objets de parure au monde. Ces mêmes objets corroborent l’idée que les hommes peuplant les montagnes de Beni Znassen ont eu recours aux symboles 40.000 ans avant ceux de l’Europe.
La grotte des pigeons contient des ordres archéologiques et palaeo-environmental. C’est la preuve que ces parures et mollusques font du Maroc l’un des plus anciens centres de diffusion des premiers objets de parures au monde, ajoute la même source.
La même thèse est soutenue par l’Académie des sciences aux Etats-Unis qui, après avoir appliqué quatre méthodes de datation différentes, confirme que l’âge de ces objets est de 82 000 ans. Cette date classe les parures de la grotte des pigeons de Tafoughalt comme plus anciennes que celles qui ont été découvertes  auparavant en Algérie, en Afrique du Sud et en Palestine.
L’équipe internationale dirigée par Abdeljalil Bouzouggar et Nick Barton (Oxford University), considère cette découverte comme un grand pas dans la compréhension des innovations culturelles et le rôle qu’elles ont joué dans l’histoire de l’humanité. Une découverte passée au peigne fin par plusieurs spécialistes de l’INSAP, du Laboratoire des recherches, d’analyses techniques et scientifiques de la Gendarmerie royale (LARATES, Maroc), de l’Institut d’archéologie de l’Université d’Oxford, du Centre national de la recherche scientifique en France (CNRS), des Allemands de la Romisch-Germanisches Zentralmuseum Forschungsbereich Altsteinzeit (RGZM) et de l’Université nationale d’Australie à Canberra.

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