Le film s’ouvre sur une voix off, celle de Morgan, imbibée de poésie et de sagesse. Il narre la vie dissemblable de deux personnages sexagénaires, Carter et Cole, l’un un sage, mari fidèle et père attentionné qui a mené une vie obscure, monotone et désargentée, sans pouvoir réaliser les rêves qui le passionnaient et l’autre un jouisseur, multimillionnaire ayant passé toute sa vie à brasser les affaires, au détriment de son existence familiale et sentimentale.
Ils se retrouvent subitement dans une même chambre d’hôpital, tous deux atteints d’un cancer incurable, ne leur laissant pas beaucoup de temps à vivre. La mort aux trousses et le temps presse.
C’est le moment pour chacun de dresser le bilan de sa vie. Deux points communs semblent pourtant les unir : un incroyable appétit de vivre, et le désir ferme de réaliser d’urgence tous leurs rêves inaccomplis. C’est alors qu’ils embarquent pour la plus belle des virées. Un voyage de l’amitié, ourlé et émaillé d’aventures, d’éclats de rire, de découvertes… Mais au bout de ce voyage persistaient deux interrogations posées par Carter incarné par Morgan Freeman : «As-tu connu le bonheur ?» et «As-tu réussi à faire le bonheur des autres ?», seconde question à laquelle Cole, interprété par Jack Nicholson, ne pouvait répondre sans avoir une réflexion pour sa fille qu’il n’avait pas vue depuis des années. Dans ce film, le bonheur est pareil à ces petits détails pointillés en peinture impressionniste qui, une fois agencés, engendrent la beauté du tableau. La musique aussi suit le rythme de la tragi-comédie.
Avant de sombrer dans le dernier voyage, une sorte de bucket list où, souvent, les enfants étalent tous les rêves qu’ils souhaitent réaliser, est proposée par Carter. «Sans plus attendre», film américain créé en 2007, est une sorte de tour du monde, non plus en 80 jours comme chez Jules Vernes, mais en moins d’un mois. Une multitude de voyages aussi variés et aussi luxueux grâce à la grosse fortune de Cole, mais ne réussissant guère à ôter à la vie, son côté éphémère. Le scénario s’ouvre sur une chambre d’hôpital: deux sexagénaires condamnés par un cancer, vont devoir se supporter: le milliardaire misanthrope Edward Cole, et Carter, le mécanicien, l’intellectuel, ayant raté sa vocation d’historien. Exit la maladie et la vieillesse : les deux héros pètent le feu.
La succession des voyages, démarre avec le saut en parachute, s’enchaînant sur une course folle et meurtrière à bord d’une Mustang. Atteindre le sommet de l’Himalaya, un rêve qui a toujours hanté Carter…
«Sans plus attendre», promène le spectateur à travers les grandes capitales du mondes, de New York, on arrive à Hong Kong, à New Delhi, au Tibet, à Paris… Et de la tragédie, on verse dans la comédie aventureuse, de la résignation au défi, mais aussi et surtout de l’ignorance de l’autre à la découverte de celui-ci et à celle de soi-même . C’est ce qui s’inscrit en filigrane dans ce drame aux allures de comédie où le cynisme grognon de Jack Nicholson affronte le visage bonhomme et la sérénité de Morgan Freeman.
Deux monstres sacrés pour une leçon de vie au seuil de la mort. Le paradoxe mérite qu’on s’attarde devant ce film qui joue à plaisir sur la confusion des genres pour finir sur une touche plein d’émotions à laquelle il est difficile d’échapper.
Avec la mort qui guette et la complicité en point de mire, cette tragi-comédie de la fin de vie arrive à toucher à l’essentiel en s’attardant sur l’anecdotique. Il y a bien là une lueur d’espoir qui vient éclairer le désespoir, et un ricanement pudique qui fait un pied de nez à l’inéluctable. Ne serait-ce que pour cet ultime défi, inscrit sur aucune liste, on a envie d’accompagner le tandem Nicholson-Freeman.
Hommage au troisième âge qui maintient le défi jusqu’au dernier souffle. En forme de road movie, le réalisateur Rob Reiner filme l’approche de la mort et l’angoisse qu’elle éveille chez les êtres humains. Et pour échapper à cette angoisse, l’un grimace et l’autre garde la foie.
Une bonne partie de rigolade à ne pas rater.