Héritage de plusieurs siècles d’échange et de modes de vie, les coutumes et traditions des régions et des populations locales sont des miroirs reflétant des conceptions et règles de vie régissant les populations. Des modes de vie qui se distinguent d’un village à l’autre parfois même au sein de la même région voire le même territoire. Le Maroc, traversé par cette richesse et diversité des traditions de sa population, témoigne de cette multitude.
Tafraout, cette petite ville marocaine se situant au sud du Royaume, demeure une région connue par la richesse de sa culture. Pourtant l’une des pratiques ayant toujours suscité étonnement, débat et interrogations reste «Skr». Si la plupart, natifs même de la région, ne savent pas l’étymologie exacte du mot, la définition traditionnelle et le sens de cette pratique sont bien connus.
Le «Skr» n’est pas une des coutumes d’un mariage marocain mais plutôt une manière de faire rencontrer les jeunes pour que l’un et l’autre puissent enfin choisir l’élu de leur cœur. «La pratique du «Skr» est l’une des spécificités de Tafraout. En fait, cette tradition consiste à donner aux jeunes de la région la possibilité de se rencontrer dans un cadre traditionnel et sécurisé pour qu’ils puissent faire connaissance et choisir parmi les jeunes filles et hommes du douar le mari ou la femme tant recherchés», explique El Hssaini , l’un des natifs de Tafraout.
Encore faut-il signaler que cette tradition a été toujours régie par un nombre de règles que les jeunes se trouvent dans l’obligation de respecter, sachant toujours que le seul objectif de cette coutume est de mettre au profit des jeunes une possibilité de choisir soi-même sa ou son partenaire. «Pour que cette pratique ne connaisse aucune sorte de dérivation, la tradition du «Skr» a été toujours accompagnée d’un nombre de règles qu’il faut toujours respecter», souligne ce natif de la région. «La première règle ayant rapport avec l’emplacement géographique. En fait, la pratique du «Skr» se faisait auprès des sources d’eau et aucun des jeunes filles et hommes du douar ne devait bouger de cet endroit ni même se côtoyer en dehors de ce cadre. Les rencontres se font ainsi auprès des sources d’eau. Les jeunes pouvaient parler et faire connaissance à la vue des gens du douar et des autres jeunes présents pour la même cause», explique-t-il. Signalons que le temps de la rencontre pour «Skr» se situe en fin de journée.Frères et sœurs peuvent se rencontrer dans le même endroit sans aucune gêne, dans la mesure où parents et familles sont au courant et cette pratique se fait dans la plus grande clarté. Toutefois, seuls les jeunes filles et hommes du douar peuvent se rencontrer ainsi. Et c’est ainsi que plusieurs parents se sont retrouvés et réunis par les liens du mariage.
La rencontre loin des sources d’eau pouvait également se faire mais dans des situations suivantes «Loin des sources d’eau, les jeunes pouvaient également se rencontrer dans le cadre d’un travail de groupe «Tiwizi» pour le ramassage des amandes ou autres. Les jeunes collaborent ainsi et travaillent à tour de rôle dans les champs du douar», souligne-t-il.
La pratique du «Skr» constitue une des passerelles les plus intelligentes au niveau de la région de Tafraout permettant de respecter à la fois les fondements traditionnels de cette société et les fondements d’un mariage de consentement. Certes, cette pratique même est aujourd’hui en train de se perdre.
Les changements de la structure sociétale via la grande migration des jeunes de Tafraout au centre du Maroc et à l’étranger, laisse périr cette pratique.