Vieux manteau usé, planche à repassage, chaise, bicyclette, tajine… Et si les objets pouvaient ressusciter pour se faire attribuer d’autres fonctions et une nouvelle existence ? L’exposition organisée à la villa Arte, à quelques kilomètres de la ville d’Agadir, nous plonge dans une nouvelle ère artistique où l’objet d’art change de figure. C’est le principe même de l’art récup, une nouvelle tendance artistique qui a vu le jour dans les années 60 avec les revendications d’Ambroise Monod qui réclamait le droit à la récupération pour tous. Un mouvement qui va s’étendre depuis pour créer une nouvelle vague d’artistes de la récup. L’art de la récupération découle d’un principe très simple. Il s’agit dans un premier temps de récupérer des objets usés, destinés dans la plupart du temps à l’abandon pour leur donner une deuxième vie. Une naissance où le rôle premier et utilitaire de l’objet se fait destituer pour laisser place à un nouvel usage, une nouvelle existence. Jadis abandonné, consommé et usé, l’objet se laisse tenter par une nouvelle genèse. L’artiste se substitue au créateur et souffle une âme à l’objet. Villa Arte, c’est dans ce chef-lieu artistique que l’exposition art-récup a élu domicile après une exposition au centre-ville d’Agadir et une autre exposition en cours dans la ville de Tiznit. Le premier pas dans cette villa vous immerge d’emblée dans une ère artistique. Le regard circulant d’un objet à l’autre vous submerge dans un tourbillon de sensations. En effet, les premiers objets déposés pêle-mêle sur les marches d’entrée vous invitent déjà à continuer le voyage. Tajine peint, objet métallique. Le regard se pose sur chaque objet, le scrute minutieusement pour le redécouvrir dans une nouvelle forme. A peine un brin de folie et de créativité et les objets changent de vie. On découvre alors un nouveau monde jusque-là méconnu et inexistant. Mais comment un objet habituel et utilitaire a-t-il pu se transformer ainsi ? Comment un objet peut-il échapper à une mort imminente ? C’est là qu’on prête enfin attention à cette revendication de survie longuement émise par l’objet qui n’attendait qu’une nouvelle métamorphose. Est-ce une nouvelle bataille où l’artiste livre combat à la mort en nous invitant à découvrir l’infinitude, à porter un nouveau regard sur les choses ? En effet, cette nouvelle démarche artistique nous transporte, éveille nos sens pour nous sortir d’une longue torpeur. L’artiste réussit alors le pari de donner une nouvelle vie aux objets et un nouveau regard aux passionnés. Le pari de l’artiste se trouve ainsi amplement remporté. «Chaque objet utilisé dans cette exposition a une histoire et se redonne une nouvelle vie. Il a été sauvé de la mort», souligne Karl-Heinz Zubrod, initiateur de cette exposition et propriétaire de la villa Arte. En effet, et sans un brin de nostalgie, les objets changent de figure. S’agit-il d’une continuité ou d’une rupture avec une vie antérieure ? Les objets semblent disposés à tenter cette nouvelle expérience après de longues années d’agonie ou de déchéance. « Il y a certains éléments de cette exposition qui appartenaient à des membres de ma famille et qui étaient depuis leurs disparitions confrontés à l’abandon tels que l’une des tables peintes et un des manteaux exposés qui était jadis à mon oncle», souligne Karl-Heinz Zubrod. On découvre alors comment une vieille table de bureau pouvait échapper à sa place dans le grenier pour se vêtir de nouvelles couleurs vives. Une planche à repassage qui se dénoue de sa fonction utilitaire dans un soubresaut de joie pour se reconstituer une nouvelle identité. Elle devient ainsi une surface pour un tableau où se côtoient les couleurs alors qu’elle a longuement prêté sa surface au linge à repasser. Le regard continue son voyage dans cette exposition aux mille couleurs et facettes. Submergés, on passe d’une découverte à l’autre. Dans ce jeu révolutionnaire, l’artiste nous confronte à nos représentations mentales des choses et nous invite à revoir les multiples existences dont peut jouir un objet. Ainsi, les pieds des tables peuvent devenir des corps de poupées russes après une intervention divinatoire et artistique. Différents morceaux de sucres qui pouvaient se dissoudre en un dernier adieu dans une tasse de café échappent à ce sort et continuent à exister. Les exemples se multiplient au jardin de la villa Arte on découvre une ancienne cantonnière de camion qui prête sa surface aux dessins des artistes. La surface de la cantonnière devient alors surface d’une toile qui regroupe les créations artistiques.