ALM : Que symbolise pour vous Derb Sultan ?
Abdelkader Moutaâ : Je suis né près de «kissariat El Hefari» à Derb Sultan, quartier qui représente beaucoup de choses pour moi. Derb Sultan évoque pour moi la période de la résistance et la forte relation qui existait entre le Sultan Mohammed Ibn Youssef et le peuple marocain. Plusieurs résistants sont issus de ce quartier, à leur tête je cite Mohamed Zarktouni, Abdelkrim Khettabi et d’autres. Je me souviendrais toujours des résistants de ce quartier qui se sont battus jour et nuit contre le colonisateur. C’est là aussi où, étant jeunes, on pouvait voir ces soldats américains distribuant chocolat et autres mets. C’était lors de cette période que Feu Houssein Slaoui a chanté sa chanson «Zin o lain zarga jana bikol khir». J’ai toujours eu en mémoire l’architecture spécifique de ces rues et ces maisons. Ce quartier se distinguait par la noblesse et le comportement de ses gens. À cette époque, chaque habitant se sentait responsable vis-à-vis de ses voisins et des familles du quartier. Ce lieu était connu pour son théâtre et son cinéma notamment le cinéma Royal qui a été inauguré par la projection du film égyptien interprété par Farid Al Atrach et Hind Sabri. Je cite aussi des lieux comme «Garage Allal», le marché de la menthe et la gare routière. Derb Sultan a donné naissance à plusieurs personnalités célèbres dans les domaines culturel, sportif ou politique. Je cite à titre d’exemple Hassan Skali, Bachir Laâlaj, Mohamed Al Kadmiri. Sans oublier les grands artistes comme Ahmed Jabrane, Mohamed Al Hyani, Ahmed Bidaoui et Maâti Bidaoui.
Comment vous avez passé votre enfance dans ce quartier?
J’ai vécu une enfance un peu difficile. Je n’ai pas réussi dans mes études et j’étais obligé de faire plusieurs métiers dans le quartier. J’ai commencé comme apprenti menuisier puis cycliste. J’ai travaillé dans un moulin de sel et j’ai fait d’autres métiers. Mais grâce au scoutisme, j’ai découvert le théâtre et le cinéma. On montait des sketchs. Le scoutisme m’a aussi appris la bonne discipline, le respect de l’environnement et le respect de l’homme en général. Je ne peux pas oublier la fête du Trône. C’était une occasion attendue par tous car les habitants du quartier montraient toute leur joie. On voyait des drapeaux partout, des tentes en plein quartier. Les gens exprimaient leur patriotisme, leur amour et leur attachement au Trône.
Est-ce que vous visitez souvent ce quartier ?
Évidemment, je visite toujours ce quartier qui symbolise pour moi beaucoup de choses. Quand je passe devant notre ancienne maison, je me rappelle de mes anciens voisins et je vois défiler l’image des soldats au cœur de Derb Sultan et les résistants clamant leurs voix face au colonisateur.