Escortée par deux policiers, elle rentre dans la salle d’audience. Les hommes qui seront jugés, ce jour de la dernière semaine du mois d’août, y sont déjà dans la salle. Avant de s’asseoir sur le banc des accusés, elle est restée durant quelques minutes scrutant l’assistance de son regard, en quête d’un membre de sa famille. Puis, sur ordre d’un policier, elle s’assied.
Nous sommes dans la Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Touria est l’unique personne de sexe féminin qui sera jugée ce jour par la Cour. Tout d’un coup, l’agent du tribunal annonce la Cour. Les trois juges, le représentant du ministère public et le greffier rentrent et se tiennent au perchoir. Le président de la Cour n’a pas commencé par le dossier de Touria.
Il a examiné les dossiers de trois autres mis en cause avant de l’appeler à la barre. Avec une djellaba vert pistache et un foulard blanc, elle se tient debout. Le président lui rappelle qu’elle est poursuivie pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner. Touria se disculpe catégoriquement. Elle nie avoir tué son amie.
Touria, fille de joie, âgée de vingt-huit ans, fréquentait les grandes artères de la capitale économique pendant la nuit en quête d’un client. Issue de la région de Settat, elle a quitté l’école au niveau du primaire. Ses parents l’ont conduite chez une famille à Casablanca pour y travailler comme bonne. Elle n’était qu’à son douzième printemps. A seize ans, elle est sortie de chez ses employeurs sans jamais y retourner. Destination : le monde de la rue. Là, elle a appris le b.a.-ba de la prostitution. Et dès son très jeune âge, elle s’est déjà mise à accompagner les clients.
Le jour J, elle était en compagnie de son amie, Nadia, arpentant le boulevard quand un client s’est approché d’elle et a commencé à marchander en vue d’une nuit en sa compagnie. Tout d’un coup, son amie les rejoint, elle fait un clin d’œil au client, mais Touria l’a vue. Cette dernière s’est énervée et a insulté Nadia qui a réussi à détourner le client. Touria a brandi un rasoir et a blessé Nadia au niveau du cou. Le sang a giclé et le client a pris la fuite. Nadia s’est effondrée. Évacuée à l’hôpital, elle a rendu l’âme. Touria est arrêtée et traduite devant la justice.
Verdict : Huit ans de réclusion criminelle.