Culture

René R. Khawam ou l’ennemi du fanatisme

© D.R

Il est décédé il y a une semaine, plus précisément le 22 mars. Sa mort est passée presque inaperçue dans un monde arabe qui lui doit pourtant une fière chandelle. Le seul hommage qui lui aurait été rendu, de son vivant comme après son trépas, on le doit à la France, pays où il émigré au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, qui le lui aurait rendu. Lui, c’est le Franco-syrien René R. Khawam, traducteur, grand érudit et spécialiste de la littérature arabe classique.
Mort à l’âge de 86 ans, il aura marqué à tout jamais l’histoire de la littérature arabe, moins par ses productions que par ses traductions. Et pour cause. C’est à René R. Khawam que l’on doit la traduction de nombreux grands textes arabes. A commencer par le Coran, mais aussi sa fabuleuse « interprétation » des «Mille et une nuits». Des contes sur lesquels il a travaillé pendant plus de 35 ans et pour lesquels il vouait un véritable culte. « Il en est des livres comme des hommes. Certains mènent une vie paisible et respectable, casanièrement retranchés dans l’espace bien arpenté que leur ont réservé les bibliographes.
Tandis que d’autres, rebelles à tout ordre, continuent de vivre par-delà les siècles une existence mouvementée, aventureuse, pleine de tribulations », avait-il écrit sur des «Mille et une nuits», chef-d’oeuvre remuant entre tous, reconnu et fêté depuis près de sept siècles… « et dont pourtant aucune édition sérieuse (disons, fidèle aux manuscrits anciens, les seuls dignes de confiance) n’existait de par le monde voici quelques années encore – même en arabe ! » Plus qu’un traducteur, René R. Khawam était aussi l’auteur d’une excellente anthologie de la poésie arabe (1996) et d’une série de contes, écrits directement en français, comprenant entre autres L’Univers culturel des chrétiens d’Orient (1987), Contes du Liban (1993) et Contes d’Islam (1997). Lui qui était chrétien de confession. Des contes qui rassemblent des récits historiques classés selon deux sources d’inspiration.
Les uns tournent autour de la naissance de l’Islam et de la valeur symbolique de l’Hégire, en insistant sur une vertu islamique fondamentale: la tolérance. Les autres rendent hommage à différentes autres vertus « aussi immémoriales que le soleil d’Arabie »: la générosité, le respect de la parole donnée, le culte rendu aux pouvoirs de la poésie, etc., que l’auteur, à la manière des grands maîtres-conteurs du passé, mettait en évidence à partir de la pure tradition arabo-islamique.
Selon Jean-Pierre Sicre, des éditions Phébus, qui a publié une vingtaine de ses traductions (Le Livre des malins, Le Livre des ruses, etc.) « cet ennemi de tout fanatisme », né en 1917 à Alep en Syrie dans une famille chrétienne « symbolise tout un mouvement de remise au jour de grands textes de la littérature arabe classique, qu’il a toujours veillé à traduire loin de toute censure, en se fondant exclusivement sur le texte des manuscrits authentiques », ajoutant aussi que « ce chrétien traducteur du Coran, qui oeuvra toute sa vie au rapprochement des trois religions du Livre, tenait à donner du génie arabe une image aussi ouverte que possible, aussi peu édulcorée que possible. Il refusa de céder au désespoir même quand l’histoire récente empruntait les voies de l’intolérance, de la violence armée et du terrorisme », dit celui dont la compagnie de René a amené à entreprendre pour son « Domaine arabe» un nombre exemplaire de traductions de textes inconnus, méconnus, oubliés…
René R. Khawam a reçu en 1996 le Grand Prix national des lettres pour l’ensemble de son oeuvre.

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