Quelle est la cause de la lenteur de la mise en œuvre de la Constitution?
Mohamed Darif : On a constaté dès le départ des concertations autour de l’élaboration de la Constitution un débat autour du contenu. Et trois tendances s’étaient dégagées : des partis politiques conservateurs qui n’ont jamais osé dépasser les
lignes rouges, d’autres qui ont carrément appelé à la mise en place d’une monarchie parlementaire, et enfin une tendance qui est traditionaliste. Ceci est apparu dans les divergences autour de la constitutionnalisation de la liberté de conscience, ou encore des divergences autour de l’inscription dans le préambule «d’un Etat islamique» ou «pays musulman». Les divergences initiales entre ces tendances expliquent donc la lenteur de l’application de la Constitution.
Le contenu de la Constitution ne favorise-t-il pas les divergences d’interprétation ?
Mais il existe aussi un vrai problème. Nous n’avons pas un texte constitutionnel qui tranche, mais un texte ouvert aux diverses interprétations, aussi bien modernistes que traditionalistes et qui peut légitimer les deux. Ceci vient du fait que la commission consultative chargée de l’élaboration de la Constitution avait fait face à cette réalité marquée par les divergences des propositions et la diversité de la société. Dans ce sens elle avait pour défi de concilier et satisfaire toutes ces tendances. Ce qui a produit une Constitution élastique, où l’autorité du texte est remplacée par l’autorité de l’interprétation. C’est dans ce sens que le Roi a appelé à plusieurs reprises à une interprétation démocratique de la Constitution. Or en l’absence d’un consensus, l’opérationnalisation de la Constitution peut rencontrer des difficultés.
Pourquoi y a-t-il a des divergences d’interprétation entre les acteurs politiques ?
Lorsqu’il y a divergence d’interprétation on a remarqué que le Conseil constitutionnel est rarement saisi. Le problème est que l’interprétation est jusqu’alors régie par une logique purement politique. Aussi, on peut citer, à titre d’exemple, le conflit opposant deux composantes de la majorité, l’Istiqlal et le PJD. Le recours du premier à l’article 42 de la Constitution lors de l’annonce de sa décision de retrait du gouvernement a été critiqué par le PJD, le qualifiant d’une régression et préconisant l’article 47. Mais le PJD joue un double jeu, celui de l’interprétation partielle de la Constitution. Il l’interprète de manière moderniste face aux conservateurs et de manière traditionaliste face aux modernistes.













