Culture

Religion et Etat moderne ne coexistent pas toujours

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Aujourd’hui le Maroc : A Essaouira, vous avez dit qu’on ne pouvait pas parler de modernité au Maroc en négligeant la religion du pays. Pouvez-vous nous développer cette idée ? Mohamed Achaâri : Aujourd’hui, personne ne peut nier qu’il existe un malaise. Nous sommes tous musulmans, attachés à nos racines et imprégnés par les valeurs de l’islam. En même temps, il faut avoir le courage de dire qu’il n’est pas aisé d’être musulman. Car, il existe une contradiction entre les textes auxquels nous vouons un respect total, une admiration illimitée, et la réalité telle que nous la vivons au quotidien. Tout le monde est unanime sur la construction d’un Etat moderne. Fort bien ! Seulement, il faut avoir le courage de dire qu’un Etat moderne suppose des lois, repose sur des fondements qui ne sont pas forcément conformes aux lois de la chariaâ. Un Etat moderne repose, par exemple, sur un système bancaire qui ne correspond pas parfaitement, aux yeux de quelques musulmans, aux règles strictes de la gestion islamique de l’argent. Le secteur du tourisme n’enchante pas non plus certains musulmans. Et tant que l’on n’engage pas le débat sur le sujet, il y aura toujours des personnes pour vous dire : “vous êtes sur une terre d’islam et vos comportements n’ont rien à voir avec la religion du pays”. Comment qualifiez-vous cette situation ? Elle est dangereuse ! Parce qu’il faut admettre que la religion n’est pas toujours compatible avec l’édification d’un Etat moderne. Si l’on veut construire un Maroc moderne, il faut qu’on se mette d’accord pour dire clairement et d’une manière irréversible que le pays aura des banques, des hôtels, un code pénal, un code de commerce… Et qu’il est contraint d’organiser la société sur la base de valeurs universelles et partagées par tout le monde. Cela ne nous empêchera pas de continuer à être musulmans, fidèles à nos valeurs et à nos racines. Il faut que cette vérité soit exprimée par tout le monde. À ce moment-là, personne ne pourra, demain, remettre en question le projet sociétal moderne du pays. J’insiste là-dessus : il faut que le musulman vive en harmonie avec sa religion et avec lui-même. Il est temps qu’il arrête de se sentir dans un état de culpabilité interminable, sinon il va continuer à vivre dans une espèce de dichotomie. Nous aurons d’un côté des textes auxquels nous croyons, d’un autre côté, une réalité que nous ne pourrons pas nier. Or, les textes et la réalité ne sont pas toujours compatibles. Qui est habilité à votre avis à se pencher sur cette question ? L’islam, une réalité incontournable, n’est pas seulement l’affaire des oulémas et des fouqahas, il nous concerne tous ! Nous voulons vivre comme une nation épanouie, conciliée avec ses valeurs et qui n’est pas dans l’hésitation permanente. Une nation qui ne cherche pas à expliquer et à justifier tous les jours son appartenance à l’islam ! Il faut que l’appartenance à la nation marocaine devienne paisible du point de vue de la réconciliation entre les textes et la vie de tous les jours. J’appelle dans ce sens de tous mes voeux à un dialogue entre les intellectuels, les religieux et les politiques sur la réforme de la société islamique. Il faut réformer ! On ne peut construire un îlot de modernité, parallèle à tout le reste dont on ne parle pas. Ce n’est pas possible ! Vous avez conscience que cette idée va susciter beaucoup de résistances ? Je crois que c’est le fait de ne pas en avoir parlé jusqu’à aujourd’hui qui laisse toujours la possibilité de recommencer à zéro. On refait notre histoire d’une manière circulaire et interminable, parce qu’on n’aborde pas des sujets épineux. Et c’est ce qui casse l’évolution de nos sociétés. Aujourd’hui, l’islam est une question qui interpelle tout le monde. Il existe un malaise, compte tenu de la non-conformité partielle entre les textes et la vie réelle. Et pour le combattre, il faut un engagement de tous les acteurs de la société. Il faut que cette question fasse l’objet d’un débat. Un débat national ! Que l’on réfléchisse au moyen de ne pas se sentir toujours des musulmans imparfaits ! Dans notre société, il existe une partie de personnes qui en désigne une autre comme étant des musulmans boiteux. Nous sommes peut-être tous imparfaits. Il faut accepter cette imperfection et en faire un moteur pour cesser d’opérer des mouvements circulaires, et enfin passer à autre chose.

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