Le «like» ou «j’aime» fait la loi, fait la force, fait le militantisme aujourd’hui ! Si c’est normalement sur le terrain que l’on mesure la force de l’engagement, que l’on évalue l’impact d’une action et le caractère bien trempé d’un militant… il faudra peut-être dorénavant conjuguer tout cela à l’imparfait ! En effet, nous sommes en train de passer de l’engagement concret, de l’implication faite de sueur et d’énergie dépensée, de l’immersion au sein de la population à… un simple clic !
«Cliquer», «liker», «aimer» sont devenus les nouveaux actes signifiant que l’on milite ! Que l’on me comprenne bien je ne remets nullement an cause les vertus des réseaux sociaux, je ne nie nullement leur forte capacité à dénoncer, à informer, à faire connaître une action, à alerter sur une cause, à mettre en lumière, à mobiliser au-delà des frontières…
ce que je déplore c’est que pour un nombre important de personnes «cliquer» soit devenu synonyme «d’agir» et qu’une fois avoir appuyé sur le bouton ils se sentent quittes envers leur conscience ou envers la conscience collective. Les effets néfastes se font d’ailleurs de plus en plus sentir puisque nous en sommes à évaluer la justesse d’un combat, la réussite d’une action, le bien-fondé d’une indignation au nombre de «like» récoltés !!! C’est ce que j’appelle la «dictature du like» puisque nous en arrivons à juger ainsi de la pertinence même d’une cause !
Oui «cliquer» est bien, oui signer une «pétition» en ligne est un geste positif, oui dénoncer une injustice sur les réseaux sociaux est un moyen… mais tout cela ne trouve son sens que dans le suivi d’actions concrètes sur le terrain, d’une véritable mobilisation, de propositions pratiques, d’un engagement dans la vraie vie !
Appuyer sur un bouton et penser qu’ainsi on a agi , voir que l’on a réglé le problème est se mentir à soi-même, d’autant plus que –et cela devient courant sur le Web – la perversité émerge : combien de fausses causes apparues ces derniers temps ? Combien d’internautes refusant de «liker» afin de ne pas sembler donner de l’importance à telle ou telle personne à l’initiative d’un post ? Combien de courses stupides au plus grand nombre de «j’aime» ?
Sans compter qu’aujourd’hui celui qui crie le plus fort, celui qui se présente le plus comme étant «anti-système», le groupuscule mobilisant le plus grand nombre de clics se met en position de vainqueur, de donneur d’ordre, de «héros» !!!!
Alors que l’action dans la vraie vie sera vue comme ringarde ou passée sous silence car non «likable». Cette tribune risque de ne pas plaire à certains, risque d’être perçue comme passéiste, alors que, croyez moi, elle est en fait une alerte, un appel à la vigilance, voire au sursaut, je crains –hélas- d’être en deçà de la réalité et que les effets pervers de la «dictature du like» n’en soient qu’à leurs prémices…
Tant que le clic sur «j’aime» sera présenté et vu comme l’alpha et l’oméga de l’action, tant que pour certains il remplacera l’acte lui-même et sera le symbole de la justesse d’une cause, nous serons dans le faux semblant et non pas dans la réalité, nous serons dans le «paraître» et non dans «l’être».