Chroniques

Chaque jour, sa veine : Instinct tribal à la marocaine

© D.R

Dans la fraîcheur du matin, vitres ouvertes, le taximan écoute sa station de radio préférée, quand monte une dame. La quarantaine, très jolie, l’accent bien typée du Nord. Très vite, le chauffeur lui fait la remarque. La dame sourit. Mais le bonhomme insiste. Assis derrière, j’attends la suite. Et cela n’a pas tardé.

La bonne femme lui assène, de but en blanc, «  par contre toi, ton accent est aroubi ». Le type fulmine. Il est passé du sourire au rictus, à la vitesse de la lumière. La bonne femme, elle, sourit et se retourne comme pour m’inviter à apprécier son direct de droite. Le gars fait pareil pour me prendre à témoin. Et il se lance : «Est-ce que tu sais que ce sont les Aroubis qui ont chassé le colon français ?» Et la jolie dame de lui rétorquer : «Est-ce que tu sais que c’est Abdelkrim El Khattabi qui a botté le derrière aux Espagnols ?» La bataille tribale est lancée.

La suite doit être magnifique. Je jubile. J’attends. Le mec ne se démonte pas. Il riposte : «Moi mon père était résistant. Il a fait de la prison, il est connu à Bournazel ». « Le mien aussi a fait le maquis dans le rif et il a été porté disparu en Espagne avant de revenir, 7 ans plus tard ». L’étalage de la bravoure familiale de l’un et l’autre devient captivant. Je trépigne. Je veux plus. Je garde un silence pieux. Mais la joute change de cap : «on ne peut pas faire confiance aux Rifains ». Et les « Aroubis sont incultes ». Là ça tourne au pugilat. Carrément. La bonne femme est coriace. Elle ne se laisse pas faire. Le type, lui, vire au macho : « Vous, les femmes, vous n’avez rien fait pour ce pays ».

Aiie ! Le Aroubi  a mis les pieds dans le plat. En douce, la voix posée, la Rifaine, à l’accent à couper au couteau, jette: «nous les femmes on fait des enfants, c’est déjà énorme, mais je n’aurai pas été fière de te mettre au monde». Uppercut, droit dans les côtes. Le type est HS. Il est sonné. Il met du temps pour répondre. Pas de parade à ce type de saillie. Il faut s’avouer vaincu. La bonne femme demande à descendre. Le compteur affiche 12 dhs. Elle lui met un billet de vingt  dans la main et lui dit, en fermant la portière, « Garde la monnaie ».

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