Culture

Une mémoire collective

Deux journées d’études sur le patrimoine se sont déroulées à la faculté des lettres de Rabat les 10 et 11 avril. Organisées par les étudiants de DESS (diplôme d’études supérieures spécialisées), ces journées ont vu la participation de professeurs marocains et étrangers ainsi que de plusieurs acteurs de la vie culturelle dans notre pays. Les intervenants ont souligné l’urgence qu’il y a à préserver le patrimoine sous toutes ses formes. C’est ainsi que Simon Lévy a montré comment l’héritage judéo-marocain a été conservé et valorisé par un musée à Casablanca.
Au-delà des appartenances raciales et religieuses, ce musée fait la fierté de tous les Marocains. Farid Britel, auteur d’un livre sur « le Mécénat au Maroc », a souligné pour sa part le rôle des banques et des fondations dans la conservation et la valorisation du patrimoine. Martine Joly, enseignante à l’université de Bordeaux, a quant à elle insisté sur l’urgence d’archiver et de stocker le patrimoine oral. De ce point de vue-là, l’on peut dire que la majorité des intervenants ont attiré l’attention sur le fait que le patrimoine n’est pas seulement affaire de pierres et d’édifices, mais de savoir-faire des hommes. Ce savoir-faire est menacé de perte. Et cela se remarque particulièrement dans l’artisanat. Le créateur est anonyme ; le patrimoine que laissent dans ce sens les anciens artisans a trait seulement aux objets et non pas aux maâlems qui les ont fabriqués, d’où la nécessité de valoriser l’homme qui se cache derrière la pièce. A cet anonymat, s’ajoute la nouvelle fonction décorative de cet art qui encourage la reproduction de modèles déjà existants. L’artisanat s’apparente de plus en plus à une fabrication en série.
La marque d’une facture manuelle et personnalisée n’est pas présente dans chaque pièce. Pour s’en rendre compte, il suffit de se promener dans n’importe quelle médina pour s’apercevoir que les objets vus dans la première boutique sont ceux-là mêmes que l’on retrouverait, dans une large mesure, dans celles qui lui sont adjacentes. La fonctionnalité des objets artisanaux a également disparu. Elle subsiste seulement dans les campagnes et quelques villes « rurales » où les gens utilisent encore des carafes en poterie et autres objets manuellement fabriqués pour leurs besoins quotidiens. La conservation du savoir-faire des maâlems, ainsi que sa perpétuation en vue d’un usage fonctionnel, semble une solution pour sauvegarder un héritage menacé de déperdition. D’autre part, plusieurs intervenants ont considéré l’oralité comme un patrimoine. Le conte marocain risque en effet de s’en aller avec ceux et celles qui le récitaient à leurs petits-enfants. Mme Benbarka, une conteuse professionnelle, a appelé à la collecte des contes. Elle estime que la collecte des contes constitue le seul moyen de les mettre à l’abri de l’oubli.
Le professeur Khadija Mouhcine a attiré pour sa part l’attention des assistants sur le fait que les contes subissent des transformations, d’une région à l’autre, qui modifient leur apparence tout en conservant leur ossature. C’est ainsi qu’il existe plusieurs versions d’un même conte. En définitive, les intervenants ont attiré l’attention sur un sujet aux manifestations multiples. Ils ont conclu à l’importance des hommes – seule véritable ressource pour que le patrimoine perdure.
À la clôture de ces journées d’études, l’écrivain et professeur Abdelfattah Kilito a félicité les étudiants de DESS pour l’organisation parfaite de ce colloque. Il leur a même fait remarquer, avec beaucoup d’humour, qu’ils l’ont privé du droit traditionnel d’un professeur envers ses étudiants : le reproche !

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