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Le silence assourdissant des intellectuels

ALM : Peu d’intellectuels et de penseurs marocains ont consacré un livre aux événements du 16 mai 2003. Comment expliquez-vous ce silence littéraire ?
Jmahri Abdelhamid : Effectivement, il y a eu peu de publications après le 16 mai. Il faut dire qu’au Maroc, on dormait sur nos deux oreilles, prenant notre exception comme une immunité. On pensait vivre dans un îlot, à l’abri des attentats. Les intellectuels ne font pas exception par rapport à cet état d’esprit. Donc, il y a eu une sorte d’abasourdissement après les attaques terroristes. De plus, il ne faut pas oublier que ces événements tragiques sont intervenus dans une phase cruciale et délicate, alors que le Maroc était en pleine transition. Le silence peut aussi s’expliquer par le comportement de nos intellectuels, bons accompagnateurs quand tout va bien, et suiveurs du politique quand l’histoire se développe du mauvais côté. On a été donc surpris par cette lenteur, cette léthargie de la part de nos penseurs qui, en attendant le politique, ont limité leurs réactions aux journaux. A part de quelques déclarations, les intellectuels marocains ont produit un seul livre sur cette période. C’est celui de Saïd Bensaïd Alaoui qui s’interroge d’ailleurs sur le 16 mai et l’intellectuel marocain.
Ce silence ne traduit-il pas une certaine angoisse des intellectuels qui n’ont pas encore mesurer l’ampleur de l’événement ?
Effectivement, il y a aussi ce fait que l’ampleur et la portée des événements du 16 mai 2003 restent à appréhender. Beaucoup d’intellectuels se sont investis dans la politique, les colloques, les forums, en attendant le recul nécessaire. De plus, il faut le dire, on a essayé de minimiser l’événement pour ne pas donner des arguments aux terroristes. C’est peut-être une erreur. Maintenant, plusieurs questions se posent, en particulier le référentiel de l’Islam et la place de la religion dans la société marocaine.
Minimiser l’événement constitue-il une démarche plus politique qu’intellectuelle ?
Il y a aussi une démarche intellectuelle. A mon sens, une vérité que l’on cache devient venimeuse. Il y a nécessité du débat. Si les intellectuels se taisent, on tombe dans ce que Georges Banda appelait la trahison des clercs.
Y a –t-il encore une pudeur intellectuelle à parler de l’influence islamiste sur les quartiers périphériques ?
Maintenant, ce n’est plus un secret. L’influence de l’islamisme dans les quartiers périphériques est établie. Les actions de la société civile ignoraient totalement ces zones déshéritées . Ce qu’on appelait la société civile était en fait trop élitiste. Il y a eu un temps, où l’on ne parlait que de cette société civile à qui on a même voulu assigner un rôle politique. Il y a certes des citoyens qui font du bon travail, qui s’impliquent dans les zones rurales. Mais en ce qui concerne ce que j’appelle le triangle de Bermude, à savoir Casablanca, Rabat et Fès, il y a nécessité de revoir l’action de cette société civile.

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