Pour la première fois, Renault va tenter de concevoir un modèle en se promettant d’emblée de lui conférer une destinée internationale. Cet important enjeu commercial et stratégique se réfugie derrière une silhouette dont la discrétion confine presque à la banalité. Ceux qui ont côtoyé de près la R9 se rendent compte que ce modèle n’était pas le fruit d’une vision d’esthète, mais plus celle d’un économe. Ce sont d’ailleurs ces qualités économiques qui offriront une carrière encore plus internationale à la faveur du 2e choc pétrolier. Paradoxalement, cette voiture au look «banal» sera construite dans toutes les régions du globe. Cette semaine, petit retour sur l’histoire d’un best-seller.
1981, année de naissance…
On pourra tout dire sur le design de la R9, néanmoins on est forcé de reconnaître que les moyens mis en œuvre pour sa conception et sa fabrication étaient considérables: 14.500.000 heures d’études et d’essais, 44 prototypes réalisés, 130 moteurs testés, 2.200.000 km parcourus par les prototypes et pas moins de 500 personnes affectées au développement de ce nouveau modèle. Les technologies les plus modernes pour l’époque sont mobilisées, avec une large place pour la Conception Assistée par Ordinateur (CAO). La production est ainsi très largement automatisée et gagne en qualité. Ce n’est qu’en 1981 que la R9 sera présentée au Salon de Francfort en 1981. Ce modèle vient compléter l’offre de Renault sur un segment essentiel du marché européen : la partie inférieure du milieu de gamme (environ 30 % du marché). Elle s’adresse à une clientèle recherchant une voiture familiale, polyvalente, avec un coût d’utilisation modéré.
Rupture de style
Côté look, le cahier des charges comportait des impératifs propres à décourager les stylistes les plus patients : il s’agissait de dessiner une berline tricorps (avec coffre arrière) longue de 4 mètres, nantie d’une vocation mondiale et destinée à se glisser entre la 5 et la 14. Quand on connaît la passion d’Opron pour l’aérodynamisme et son attachement au bicorps, on devine ce que ce métier, par essence créatif, comporte de frustration. On apprécie aussi l’humilité qu’induit l’obéissance à une mercatique toute puissante et finalement le talent d’interprète que requiert cette allégeance. La Renault 9 marque une rupture de style chez la marque au losange. Après les grandes surfaces graciles de la 18, la R9 se caractérise par des lignes anguleuses et viriles et des surfaces plates. Des moulures horizontales, très tendues parcourent le profil et sont arrêtées net par les panneaux avant et arrière droits. Les volumes structurés de la 9 s’opposant aux formes modelées de la R14. Aucun arrondi ne vient adoucir les angles acérés de la nouvelle Renault.
Comment la R9 a voyagé outre- Atlantique…
La marque au losange a depuis toujours été fascinée par le marché américain qu’elle n’arrêtait pas de lorgner depuis 1956, quand la Dauphine s’en alla séduire Manhattan et Hollywood. Trois ans plus tard, 120.000 Renault furent exportées Outre-Atlantique. Les ventes ne cessèrent ensuite de sombrer jusqu’à l’arrivée de la Renault 5 Le Car. En 1980, elles ne dépassaient guère les 25.000 unités. Les accords de coopération signés avec American Motors en janvier 1979 devaient marquer le glas de ce dilettantisme. L’association va se concrétiser par la production de la Renault 9 à Kenosha, au Wisconsin, à partir de 1982. Le cahier des charges imposait dès sa définition en 1977, que la future Renault 9 (qui s’appelait en projet L42) fut internationale. Pour le marché nord-américain, la Renault 9 recevra les adaptations habituelles nécessitées par la législation (pare-chocs et phares) ou par le besoin de clinquant (bi-colorisme et chromes).
Modèle charnière pour Renault…
La Renault 9 est la première voiture à utiliser un moteur Renault en position transversale (le moteur X de la Renault 14 issu de la Française de Mécanique, moteur également utilisé sur des modèles Peugeot, Talbot et Citroën). Elle possède une suspension à quatre roues indépendantes (MacPherson triangulé à l’avant et barres de torsion transversales en vis-à-vis à l’arrière). La Renault 9 est un modèle charnière pour Renault car il doit remplacer la Renault 14 qui fut un échec commercial, sur un segment important et inaugurer une nouvelle base technique qui sera utilisée sur de nombreux modèles. En effet, son châssis est réutilisé sur les Renault 19, Mégane 1 et Scénic 1 et dérivé pour les Super 5, Express, Clio 1, Clio 2, Kangoo 1 et Twingo 2. La Renault 9 est également la première à utiliser les boîtes de vitesses JB qui équipent encore la Twingo 2 et les «moteurs F» qui équipent encore la Mégane 3 notamment avec le F4RT sur la Mégane 3 RS.