Chroniques

Mieux vaut en rire: Modernisme, extrémisme, mode d’emploi…

© D.R

J’en suis désolé, mais tout mec rigolo que je pense être, je suis incapable aujourd’hui de plaisanter et encore moins de vous faire marrer. Je suis un billettiste d’humeur, certes, mais je reste un homme comme tout le monde qui a le droit, parfois, d’être en mauvaise humeur, et on le serait pour beaucoup moins.

En effet, je suis en train d’écrire ma chronique hebdomadaire au lendemain d’un évènement on ne peut plus tragique, à savoir le lâche attentat contre le journal français «Charlie Hebdo». Avant de vous dire ce que je pense de tout ça, j’aimerais vous faire un témoignage personnel. Quand je suis arrivé au début des années 70 en France pour y poursuivre mes études, le premier choc culturel pour ne pas dire le premier coup de poing civilisationnel que j’ai reçu en pleine figure, ça a été justement Charlie Hebdo et ses Unes historiques et hystériques.

Je vous rappelle que c’était dans les années 70, que je venais d’un pays qui, à cette époque, ne brillait pas par les libertés qui n’existaient pratiquement pas, et que je vois de grandes personnalités politiques, comme Pompidou, Giscard ou Marchais, croqués d’une manière souvent très choquante, du moins pour l’«indigène» que j’étais, il y avait bien de quoi être sonné. Aujourd’hui, après ce terrible drame, je le suis encore plus.

Ce que je ne vous ai pas encore dit, c’est que plus je m’intégrais dans cette société française post-soixante-huitarde, plus j’ai été séduit par ce ton hyper décalé et par cette dérision débordante d’insolence et d’irrévérence qui se dégageaient délicieusement des médias français. C’est durant ces années-là que j’ai fait la connaissance de mes maîtres Devos, Bedos, Desproges, et en même temps, j’y arrive, des grands Cabana, Cabu, Wolinski et bien d’autres.

Je ne vous cache pas – puisqu’il y a prescription – j’achetais régulièrement Charlie Hebdo, dont j’avais des paquets entreposés dans ma chambre à la Cité Universitaire, et si on m’avait proposé de faire de la vente militante, je crois que je l’aurais fait avec plaisir, ne serait-ce que pour me faire un peu de sous car je n’étais pas riche à cette époque, et d’ailleurs je ne le suis toujours pas, mais ce n’est pas tout-à-fait le propos d’aujourd’hui.

Pour revenir sur l’attentat parisien, je voudrais vous rapporter les paroles de la fille de Wolinski que j’ai entendues ce matin à la radio : «Papa est mort, mais pas Wolinski. Ce n’est pas parce qu’on tue des hommes qu’on tue leurs idées». C’est beau, mais en même temps, c’est révoltant. Oui, je suis révolté, et je suis triste, très triste. Non, je ne suis pas triste pour l’islam, car je pense que si une religion est juste, elle finira forcément un jour par triompher et par se «déculpabiliser», mais je le suis surtout pour nous, les «musulmans» ou prétendus tels, qui passons notre temps à nous gargariser de principes moraux, de valeurs humaines et tout le baratin d’usage.

Je suis triste car, en parcourant la presse d’aujourd’hui, j’ai remarqué que si la plupart de nos journaux ont donné la terrible info, rares sont ceux qui ont montré, analysé et, mieux, dénoncé cet effroyable carnage. Il y en a certains, et non des moindres, qui n’ont pas écrit une seule ligne sur ce drame, et ont préféré nous tartiner avec des faits divers sur les voitures volées, l’évanouissement de retraités ou les victimes du cybersexe.

D’ailleurs, ils ne sont pas les seuls à être devenus muets. Nos intellectuels, si intellectuels nous avons, et nos droits-de-lhommistes modernistes mondains, on ne les a pas trop entendus non plus. Pourtant, qu’est-ce qu’ils étaient bavards il y a encore quelques jours sur l’affaire du film Exodus de Ridley Scott. «Il faut lutter pour la liberté d’expression», criaient-ils. «Il ne faut pas laisser sévir les censeurs!», répétaient-ils. Mais aujourd’hui, où sont-ils, tous ces donneurs de leçons et ces révolutionnaires sélectifs ? Évaporés ! C’est la-men-table !

Paix à l’âme des victimes de l’attentat de Paris et à celle de toutes les victimes de toutes les formes de terreur et de terrorisme.
Je n’ai pas trop le moral, mais je vous dis quand même bon week-end.

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