L’embarras de l’Algérie, que l’on soupçonnait, est devenu, à présent, officiel. La réaction du Président algérien Abdelaziz Bouteflika, après l’ouverture des frontières marocaines, vient, aujourd’hui, officialiser une gêne profonde que nous avions déjà constatée chez l’establishment politico-militaire algérois et les médias qui lui sont soumis. Même le service public de télévision s’y est mis en sortant l’artillerie lourde des jours fastes.
Il est plus qu’étrange qu’une décision souveraine d’un pays voisin, empreinte de fraternité et de paix, de conciliation et de rapprochement entre les peuples, soit pratiquement reçue par nos frères algériens comme une déclaration de guerre. Comme Israël a peur que la paix au Proche-orient ne remette en question sa propre existence, il est presque admis que certains, aujourd’hui, en Algérie considèrent que la normalisation avec le Maroc ne vienne signer l’effondrement de tout un système, vis-à-vis duquel le Président Bouteflika ne s’est probablement pas encore totalement émancipé, effectivement construit, d’une manière institutionnelle, sur la haine, l’inimitié et le ressentiment. On n’a jamais construit un projet collectif ou un avenir commun avec ces ingrédients-là.
Quand la paix commence à faire plus peur que la guerre, que la coexistence pacifique et civilisée est rejetée au nom de l’hostilité et de la violence, et que le choix de la vie est écarté au profit de pulsions morbides, c’est que nous ne sommes plus dans le domaine de la diplomatie éclairée ou de la science politique raisonnée, mais bel et bien dans quelque chose qui relève l’ordre de la psychiatrie, quand celle-ci est sciemment utilisée contre la liberté.
Limiter, pour des raisons désormais fallacieuses, la liberté d’aller et de venir des citoyens algériens – des hommes pourtant libres – est une grave responsabilité que le pouvoir algérien devra assumer tôt ou tard devant son opinion publique. Mais ni les rhétoriques du passé, ni les diabolisations de commande, ni les ridicules semaines culturelles «sahraouies» ne peuvent venir à bout de l’irrépressible désir de vie d’un peuple à qui les mêmes donneurs d’ordres peu avisés ont infligé une guerre civile aussi sanglante que, finalement, inutile.
Si le couple maroco-algérien doit voir le jour comme le véritable moteur d’un Maghreb uni et un authentique facteur de solidarité, de prospérité, de paix régionales, il va bien falloir, à un moment donné, arrêter de sacrifier les intérêts de la région et de ses peuples au profit d’une hypothétique entité sahraouie qui ne verra jamais le jour.
Maintenant, sur le fond et au-delà de l’affaire du visa, les choses sont claires. Les convulsions médiatiques, aussi massives ou cacophoniques qu’elles soient, ne peuvent pas changer le fait que, sur le dossier du Sahara marocain, les mentors de la RASD ont brutalement perdu la main. Et ce ne sont pas les gesticulations pitoyables d’un Abdelaziz El Marrakchi, tout à sa servilité, qui feront désormais la différence.