Qu’est-ce qui fait courir Ahmed Lahlimi ? Depuis sa nomination, le 26 décembre, à la tête du Haut Commissariat au Plan (HCP), les Marocains ont désormais un autre rapport aux chiffres.
L’ex-vice-Premier ministre du gouvernement Youssoufi a redonné vie, grâce à une série de réformes non négligeables, à une institution tombée en désuétude. Malgré les efforts accomplis par l’ex-ministre istiqlalien de la Prévision et du Plan, Abdelhamid Aouad, pour changer les choses -notamment à l’occasion des travaux d’études concernant le nouveau schéma des Comptes de la Nation et surtout de mise en oeuvre du plan quinquennal- les résultats ne furent pas à la hauteur.
D’entrée de jeu, le fin politicien qu’est M.Lahlimi n’a de cesse de revendiquer, et a fini par arracher une indépendance totale de l’instance qu’il préside. Il ne cesse d’insister sur la nécessité d’une révision de la méthodologie de planification. Rompant avec l’approche professorale qui prévalait par le passé, Ahmed Lahlimi a fait le choix de s’adresser directement à la population, la plus large possible.
Sa politique de communication a été arrêtée dans ce sens. Ses communiqués, interventions et interviews ont inondé les rédactions. Certains vont jusqu’à dire qu’« il a mis sous pression la profession. N’hésitant pas à bousculer et à matraquer sa cible». D’autres vont jusqu’à relever le chevauchement des compétences avec le Premier ministre et l’ensemble de son gouvernement. Il est vrai que l’autonomie des chiffres rend difficile leur politisation. Ainsi, le gouvernement se trouve amputé d’une marge de manoeuvre non négligeable. Cette approche risque assurément de le freiner dans son élan. Toutefois, il faut reconnaître que le Plan est rapidement tombé en désuétude avec le gouvernement Jettou, jusqu’au moment où le choix de Sa Majesté le Roi s’est porté sur Ahmed Lahlimi pour diriger le Haut Commissariat au Plan . Lahlimi opta pour une nouvelle méthodologie basée sur la prospective. Dans cette optique, la planification privilégie une approche stratégique pour atteindre des objectifs globaux en matière de croissance, de développement humain et de bonne gouvernance. À l’ensemble de ces accusations, le Haut Commissaire fait face sans détour (cf. entretien ci-contre). Toutefois, son énergie va à l’explication de son approche, chaque fois que c’est utile. Et pour cause, le plan a souvent été un simple inventaire de projets ou de réformes envisagés, ou parfois souhaités, par les différents départements ministériels, sans insertion aucune dans une vision stratégique. Par ailleurs, les contrats–programmes qui ont, certes, donné quelques résultats dans une perspective sectorielle, n’ont souvent servi qu’à défendre des intérêts catégoriels, au détriment de la cohérence globale.
L’approche de l’échéance de l’actuel plan quinquennal 2000-2004, et surtout la volonté royale de réaliser un recensement de la population, l’incitent à revoir la démarche suivie en la matière jusqu’ici. Les nouvelles projections démographiques serviront, sans doute, à établir une nouvelle vision de la planification. Le mot d’ordre reste la cohérence qui devrait être mise au service du développement économique et social de la nation. En plus, Lahlimi innove. D’emblée, il a tenu à associer l’Inspection générale des Finances (IGF) a la démarche retenue pour le recensement. Ainsi, l’audit s’effectuera au fur et à mesure du déroulement des opérations.
Côté réalisations, l’objectif final reste assurément la réalisation de la convergence des chiffres de la loi de finances avec ceux du Haut Commissariat. Certains plaident en faveur d’une entité indépendante, mieux apte à valider la véracité des chiffres. Aussi, les statisticiens plaident en faveur d’une plus grande traçabilité dans le détail. Une chose reste cependant sûre : les programmes de l’Etat seront, dorénavant, plus ciblés, en direction des secteurs appelés à jouer un rôle de première importance pour atteindre ces objectifs. Le défi est grand, mais la longue expérience d’Ahmed Lahlimi doublé de l’expértise de son équipe arriveront à le relever, en dépit des critiques !