«Parfois même, nous nous trouvons face au manque d’effectifs à cause des arrêts de maladie perpétuels des encadrants. Nous avons 40 élèves par classe. Si deux professeurs s’absentent durant la même heure, nous sommes dans l’incapacité de les dispatcher sur la liste des encadrants présents», nous confie le directeur du lycée. Il explique par la même occasion, que l’élève est libre de rester à la bibliothèque ou de partir chez lui, s’il n’habite pas loin.
Il est 9h12min. Devant l’immeuble, situé au rond-point de l’avenue Al Mokawama en intersection avec l’avenue Haj Amar Riffi, plusieurs jeunes élèves jouent avec frénésie et insouciance. Certains gardent encore leurs tabliers, alors que d’autres, échangeant quelques grossièretés, s’en sont déjà débarrassés en s’empressant d’organiser un semblant de «partie de ballon». Le reste, filles comme garçons, assis sur les bords du trottoir, discute. L’énergie que dégage le groupe ne laisse pas les passants indifférents. Que font-ils là ? Ne devraient-ils pas être en classe ?
«Nous avions un cours de français de 9h à 10h. Vu que le professeur est absent nous sommes sortis en attendant le cours suivant», répond Imane, 13 ans. Le reste de la ribambelle approuve ces propos. Ainsi, ces enfants sont livrés à eux-mêmes pendant tout ce temps. Sont-ils vraiment autorisés à quitter l’établissement durant ce genre d’«heures creuses»?
La réponse à cette question est assez étonnante. En fait, ils ne sont pas uniquement «autorisés» à sortir de l’établissement, mais pratiquement «contraints» de le faire. «On n’est pas autorisé à rester à la bibliothèque si on n’y est pas inscrit», répond Mohamed, l’un des élèves en train de jouer. Et de poursuivre : «Si nous sommes surpris dans une classe sans encadrants, nous allons recevoir des avertissements». La sanction n’est certes pas des plus sévères, mais elle est suffisante pour inciter ces adolescents à quitter l’école, ne serait-ce que pour quelques heures.
Pas loin du rassemblement, se trouvent le collège et le lycée Khnata Bent Bakkar. Avant d’être accueillis par le directeur, la troupe nous ayant escortés jusqu’aux portes de l’établissement se disperse, sur un simple signe du gardien.
Bien entendu, le directeur a affirmé ne pas être habilité à répondre à des questions, genre «qui est responsable de ces adolescents lorsqu’ils quittent l’enceinte de l’établissement durant les heures creuses». Mais il a bien fallu qu’il réponde. Il confirme alors que si ces enfants sont en dehors de l’établissement, c’est à cause de l’inexistence d’une salle de permanence qui aurait la capacité de les contenir. Et de souligner : «Parfois même, nous nous trouvons face au manque d’effectifs à cause des arrêts de maladie perpétuels des encadrants. Nous avons 40 élèves par classe. Si deux professeurs s’absentent durant la même heure, nous sommes dans l’incapacité de les dispatcher sur la liste des encadrants présents», nous confie le directeur du lycée. Il explique par la même occasion, que l’élève est libre de rester à la bibliothèque ou de partir chez lui, s’il n’habite pas loin.
Manque de classes de cours ou de permanence, manque d’encadrants, et ce sont les élèves qui en paient le prix. Le cas du lycée Khnata Bent Bakkar n’est pas un cas isolé. Le phénomène est quasiment généralisé sur tous les établissements de l’enseignement public, selon une source de l’Académie régionale de Casablanca, délégation El Fida. En effet, mis à part la bibliothèque à laquelle les élèves n’ont accès que sous inscription, «la grande majorité des établissements publics, surtout ceux de l’enseignement secondaire, est dépourvue d’espaces de permanence en cas d’heures creuses subies ou programmées au niveau de leur emploi du temps. Dans ce cas, l’élève n’a d’autre alternative que d’attendre à la porte de l’établissement, s’il n’habite pas à côté», ajoute la même source.
A noter également que les parents ne sont généralement pas au courant de l’existence de ces heures d’escapades, selon quelques élèves. Toutefois les plus sages se contentent de rester à proximité de l’établissement. Alors que le reste, insouciant, part à la découverte de tout ce que l’école est dans l’incapacité de lui «enseigner».
Maryem Laftouty
(Journaliste stagiaire)