Entretien avec Marlui Miranda, chanteuse, compositrice et chercheuse brésilienne
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Je veux partager avec les indiens leur futur parce qu’ils ne vont pas disparaître contrairement à ce que pensent les anthropologues.
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ALM : Que représente pour vous votre participation au festival de Fès ?
Marlui Miranda : Je me sens près de tout le monde à Fès. Je pensais que je serai dans un seul pays, mais j’étais dans le monde entier. Etre ensemble avec des gens complétement différents de moi sans sentir la différence est un sentiment de profonde spiritualité. C’est incroyable !
Vous faites des recherches autour de la musique indienne au Brésil. Comment contribuent-elles au rayonnement de cette musique de par le monde ?
J’ai commencé mes recherches dans les années 70. Au Brésil, l’indien était en case de sécurité nationale parce qu’on croyait que l’Amazonie était vide puisque les indiens étaient laissés pour, compte. C’est pourquoi mon choix s’est porté sur la musique des indiens en chantant avec leur propre langue et non en portugais. Depuis toutes ces années, je suis contente de m’être lancé ce défi de lutter contre les idées préconçues sur les indiens et la musique brésilienne parce qu’elle était complètement invisible. Une telle démarche était considérée utopique et folle. Je réfléchis toujours au chemin que j’ai choisi à long terme. Pour ma part, je veux partager avec les indiens leur futur parce qu’ils ne vont pas disparaître contrairement à ce que pensent les anthropologues. J’ai beaucoup de travail avec les indiens jusqu’à aujourd’hui. Je cherche des opportunités pour eux. Je veux les aider à maintenir leur culture. C’est mon travail en fait.
Mais pourquoi s’y intéresser?
Nous ne vivons qu’une seule fois dans ce monde. Un de ces jours, j’ai eu l’idée que je ne pouvais pas continuer à jouer la guitare avec le do majeur et que je ne jouais pas d’autres musiques comme la samba. Je me sentais complètement à côté de la plaque.
Parallèlement, j’aime les musiques modales. Je ne veux pas des choses compliquées. Je pouvais collaborer pour la musique indigène du Brésil pour attirer des gens qui ne la respectent pas en tant que vraie musique puisqu’elle était considérée comme un folklore. Quant à moi je trouve que c’est tout à fait le contraire. Jusqu’à maintenant je travaille avec des orchestres dont les traditions sont basées sur les musiques western ou classique mais quand ils écoutent la musique indienne ils comprennent de quoi il s’agit. Même au Brésil, des chefs d’orchestre n’évaluent pas les difficultés de telles œuvres et ils se sont perdus. C’est donc un effort à fournir en termes d’éducation.
Existerait-il des points communs entre les musiques sacrées marocaines et brésiliennes ?
Vous savez, j’ai capté une chaîne marocaine lors de la période du festival et je suis tombée sur un groupe de chanteurs d’après lequel j’ai compris que sa musique était à propos d’Allah. Cela m’a excité et procuré un bonheur de par la performance vocale du groupe. Quand, à un moment, j’ai fermé les yeux, cela m’a donné l’impression que cette musique s’apparente à celle des indigènes de tribus brésiliennes comme Kappor ou le Bororo. Cela hisse l’âme. C’est pourquoi je trouve qu’il existe des points communs.
Vous avez enregistré des singles avec plusieurs artistes de par le monde. A quand une collaboration avec un Marocain ?
Il est vrai que j’ai enregistré avec des artistes de Norvège et d’Angleterre.
C’était une opportunité. Au Brésil, il est très difficile de produire pour des raisons matérielles. Cela dépend aussi des connivences. Mais je peux proposer cette idée. Nous avons besoin de vivre une expérience pour faire quelque chose qui aurait un sens. Maintenant que je suis ici, j’ai vu ce que le public aime écouter.
En période du festival, je suis partie à la médina de Fès et je me suis arrêtée devant un vendeur de luths et j’ai commencé à penser à cet instrument et à l’approche que je peux en faire. Je sentais d’ailleurs que le luth me parlait !