Culture

Décès de la «papesse» de l’édition en France

© D.R

Malade depuis longtemps, retirée du métier depuis plusieurs années, Françoise Verny est morte dans un hôpital parisien. Silhouette familière du monde de l’édition parisienne, cette grande femme forte, amatrice d’alcool et grande fumeuse devant l’Eternel avait notamment publié les oeuvres du philosophe Bernard-Henri Lévy ou de romanciers comme Yann Queffélec (Goncourt 1985), qu’elle avait abordé dans un port de Bretagne d’un « Toi, tu as une gueule d’écrivain ». Qualifiée tour à tour « d’aimant à auteurs », de « papesse » ou de « mamma » de l’édition, de « bulldozer au féminin » ou « d’ogresse », elle a participé aux grandes manoeuvres des prix et lancé les « nouveaux philosophes » en 1977. « Je suis une mère maquerelle qui lit la Bible » : avec un sens consommé de la provocation, Françoise Verny avait des formules-chocs.
Son allure, non plus, ne passait pas inaperçue : très forte corpulence, cheveu noir raide, cigarette à la bouche et goût pour la bouteille. « Sans doute ai-je peur de mon prochain autant que j’ai besoin de lui. S’il m’arrive de trop boire, c’est pour le supporter et l’oublier », disait-elle.
Se disant « profondément bouleversé » par la mort de Françoise Verny, le ministre français de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, a estimé mardi qu’avec elle disparaît « l’une des figures les plus marquantes de la vie littéraire, un être passionné et passionnant dont la vie semblait s’être confondue avec le métier ».
« Derrière le personnage: la directrice littéraire de Grasset et de Flammarion, le passeur de culture à la télévision, la scénariste, l’écrivain, l’éditeur, il y avait, pour tous ceux qui l’ont connue, une personne, une sensibilité extrême dont les élans, même les plus surprenants parfois, traduisaient toujours un profond amour de la vie », a ajouté le ministre. Pour avoir côtoyé Malraux (dix émissions avec Claude Santelli) et Mauriac, elle hésitait à nommer leurs successeurs : « Peut-être que Modiano et Le Clézio resteront dans l’histoire ». Avec elle, s’est éteinte une légende qui inlassablement interrogeait le Très-Haut, selon son expression : « A mes funérailles, un curé pourrait dire : « Françoise Verny avait la foi mais elle attendait que Dieu se signale » ». Née Françoise Delthil en 1928 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) dans une famille de médecins, cette normalienne agrégée de philosophie avait travaillé dans la presse avant de rejoindre l’édition. Elle conjugue dans sa jeunesse le militantisme communiste et une foi catholique fervente, avant de se lancer dans le journalisme. Elle avait notamment été journaliste aux « Informations catholiques internationales », avant d’être directrice de plusieurs rédactions, à « L’écho de la mode » ou au « Nouveau Candide ». Elle a rejoint Grasset en 1964, et n’a plus quitté depuis le monde de l’édition. Françoise Verny a aussi travaillé chez Gallimard et Flammarion.
Elle a découvert ou publié de nombreux auteurs comme Françoise Sagan, Lucien Bodard (avec qui elle eut une liaison), Bernard-Henri Lévy, André Glucksman, Françoise Mallet-Joris ainsi qu’Alexandre Jardin, Cyril Collard… Elle était aussi l’auteur de Mémoires (Le plus beau métier du monde), de plusieurs livres sur sa foi catholique comme Dieu existe, je l’ai toujours trahi, Pourquoi m’as-tu abandonnée? ou Mais si, Messieurs, les femmes ont une âme. Au fil des ans, Françoise Verny apparaissait moins comme une manipulatrice de grand talent que comme une femme blessée par la vie, à la franchise désarmante sur ses souffrances : « Je ne me suis jamais aimée. » Inlassablement, elle cherchait Dieu sans L’atteindre : « A mes funérailles, un curé pourrait dire : Françoise Verny avait la foi mais elle attendait que Dieu se signale. »

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