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Les Marocains ignorés par l’élan nationaliste

N’importe quel Britannique, après dix ans de résidence, peut prendre part au scrutin local de jeudi, dont la question porte sur un éventuel partage de souveraineté entre le Royaume-Uni et l’Espagne. Mais Sebti Abdullah, qui vit et travaille sur place depuis 1974, n’est pas appelé à donner son avis. «Moi je n’ai droit à rien, ni au système de soins, ni au droit de vote, à rien», sourit-il derrière le bar d’un hôtel, d’où il jongle sans effort entre l’anglais et l’espagnol, en fonction du client.
Le gouvernement conservateur de Gibraltar, qui lui dénie aussi le droit de faire venir sa famille de Tanger et toute espèce d’allocation s’il cesse de travailler, se prive pourtant en l’occurrence d’une voix en sa faveur. Ou plutôt d’une voix contre l’Espagne, qui, selon Sebti, «peut bien demander Gibraltar, mais devrait commencer par rendre Sebta et Melilla», les deux enclaves espagnoles en territoire marocain.
Madrid rejette tout parallèle entre sa revendication sur Gibraltar et celle de Rabat sur Sebta, Melillia et quelques autres minuscules territoires comme l’îlot de Perejil-Leïla. «On vous les rendra quand vous respecterez les droits de l’homme !», lance mi-figue mi-raisin l’un de ses collègues, José Ponce, un espagnol qui, lui non plus, ne votait pas jeudi. Malgré tout, ce dernier pense que les Gibraltariens «ont bien le droit, comme n’importe quel peuple, de décider de leur destin et de refuser d’être espagnols ». Le problème est plutôt que les Gibraltariens «ont beaucoup de droits et peu d’obligations», dit José.
Au contraire, poursuit-il en désignant ses collègues marocains : «Vingt ans qu’ils sont là et ils n’ont pas le moindre droit. Si leur môme tombe malade, ils ne peuvent pas le faire soigner à l’hôpital d’ici alors qu’ils payent pour la santé publique d’ici depuis des années…». Autre absurdité, les Marocains qui vont rendre visite à leur famille à Tanger doivent profiter de l’unique liaison hebdomadaire entre Gibraltar et le Maroc, aller le vendredi et retour le dimanche. Mais ils ne peuvent se rendre à 20 km de là, à Algésiras, d’où part un ferry toutes les heures, car pour entrer en territoire espagnol, il leur faudrait un visa.
Estimée à quelque 1.400 personnes, la communauté marocaine est essentiellement arrivée à Gibraltar pendant la période de 1969 à 1982, au cours de laquelle le gouvernement espagnol a maintenu fermée la frontière avec le petit territoire enclavé à l’extrême sud de la péninsule ibérique. «Ils avaient besoin de nous, alors», assure Chebili Abdelkrim Ouriaghzi, installé sur le rocher depuis 1973. Il comprend fort bien que les Gibraltariens aient voté à 99% pour demeurer britanniques en 1967, lors du premier référendum du genre, à une époque où devenir espagnol signifiait tomber aux mains de la dictature franquiste. Gibraltar a d’ailleurs constitué un refuge pour nombre de républicains espagnols. Mais aujourd’hui, c’est l’Espagne qui lui paraîtrait le meilleur maître: « de l’autre côté de la frontière, un Marocain qui travaille en Andalousie depuis 5 ans a la sécurité sociale; moi je suis ici depuis 29 ans mais si je veux acheter à crédit un appareil qui coûte 200 livres, il faut que je trouve un Gibraltarien pour me servir de caution».

• Marie-Noëlle Valles (AFP)

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