Ce qui se passe parfois au Maroc peut avoir, certes, une portée universelle (Moudawana, IER…). Mais, la plupart du temps, comme c’est le cas dans la polémique tsunami, certaines agitations, qui prennent des dimensions disproportionnées, s’avèrent, in fine, comme de simples tempêtes dans un verre de thé.
La tsunamisation du débat, qu’un ami avisé a qualifiée d’ «escarmouche», devait faire partie d’un débat normal, passionné parce que passionnant, mais normal dans une société qui bouillonne sur les plaques chauffantes de la transition. Or, en lieu et place du débat, on a assisté à une indigence des arguments, à un déchaînement d’animosité, à une radicalisation des postures, à des personnalisations odieuses où les noms sont livrés, mine de rien, en pâture à la vindicte populaire. Le tout, aboutissant à deux manifestations qui se toiseront de manière venimeuse.
Le combat s’annonçait titanesque. Il va accoucher de souris : des barbus qui exhibent, une fois de plus, leurs biceps revendiquant la liberté d’expression, eux qui interdisent tout écart de langage. Une frange citadine, médiatico-civile, qui, hormis l’intérêt d’exister, a surtout démontré son manque d’enracinement populaire. Une instance, encore balbutiante, qui, sous l’épreuve du feu, va rendre un jugement de Salomon en coupant la poire en deux. Une classe politique, qui au lieu de s’emparer du débat, va donner, une fois de plus, la mesure de son atonie et de sa dépression nerveuse. Last but not least, l’éloquence du silence des intellectuels, comme si le pays n’en comptait pas. Ne serait-ce le climat de liberté d’expression qui a imprégné les échanges entre protagonistes de la polémique, il n’y a rien de lumineux à retenir de cet épisode.
Serait-on, au Maroc, tellement en manque de défis ? Nos maux seraient-ils tellement bénins pour expliquer notre goût pour les feux de paille? Ce débat entre modernistes et conservateurs, appliqué aux seules questions de société et de moeurs, n’omet-il pas les vrais sujets qui taraudent les Marocains ? Et qui pour la plupart sont de natures économique et politique. Alors cessons de nous égosiller en gonflant notre ego plus que de nature. Mesurons ce que nous sommes : des Berbères arabisés ou, pour certains, des Arabes berbérisés ! Mais nous ne constituons qu’une infime partie des 300 millions d’âmes du monde arabe. A peine 10%.
Sommes-nous musulmans? Mais la Constitution le proclame quotidiennement et Allah à la primauté du triptyque des valeurs nationales. Si ce n’est que nous faisons partie des minoritaires de la minorité musulmane. Les musulmans du monde ne sont pas tous des Arabes (10% de chrétiens sans compter les juifs), loin s’en faut. L’Indonésie, c’est 210 millions d’habitants. Le Pakistan, c’est 135 millions. Sur 1,5 milliard, nous sommes une peau de chagrin qui atteint péniblement 2%. Tout cela relativise les choses. Le fanatisme est aveugle et le nombrilisme est sourd. Ils se donnent parfois la main pour empêcher une nation d’aborder avec courage ses vraies difficultés.