Culture

Extrait du « Désenfantement »

«Les chiens hurlent à la mort ; c’est connu. Rentrant à deux heures et quatre heures du matin – mais dans quelle vie suis-je entrée à quatre heures ? – l’aboiement désespéré du chien gardien d’une maison inhabitée du Boulevard d’Anfa me déchirait les oreilles.
Je sortais sur l’une des terrasses et même par une sourde violence, je me suis mis à hurler avec le chien. J’en pris l’habitude. Il était loin.
Mon cri résonnait dans toute la ville qui me renvoyait un écho effroyable. Ma douleur vibrait dans toutes les maisons, les chambres des enfants et celles des malades accroissant leurs affres.
Le son partait de mon ventre et dilatait ma poitrine en érodant ma gorge à sa sortie en une modulation folle et incroyable : une femme aboyant la nuit sur une terrasse déserte dans une ville silencieuse.
« La biche brame au clair de lune/ et pleure à s’en fendre les yeux… »
La biche pleure son petit… La femme et la biche dévorée par la mort du feu de leurs entrailles. Le chien répondait dans un sursaut de rage et de terreur. Le cri de la femme le dérangeait et hantait la sauvagerie primitive de son être. Elle hurlait dans la honte. Elle était devenue folle. Les gens ne sauraient pas compatir à cette détresse hallucinante. L’aboiement du chien et de la femme alternait dans un battement de colère et d’irréductibilité.
Et puis elle rentrait chercher un sommeil qui n’arrivait pas et ne pourrait être que la traversée nauséeuse dans un bateau fantôme entre la souffrance d’hier et celle de demain.
Les bruits et les musiques, les psalmodies et les incantations accompagnaient sa dérive dans la peine.
Certains sons étaient tellement intolérables qu’elle se débattait, oiseau fou, entre les bras de ceux qui voulaient la calmer mais ne parvenaient qu’à l’étouffer.
Elle aurait préféré le frou-frou des ailes de son âme s’échappant vers les nuées pour fuir l’enveloppe de chair déchirée par les sirènes d’ambulance, les chants religieux de la mort et le silence des hôpitaux à vingt-trois heures.
Le chien. L’ambulance. Le cri silencieux de la mort. »

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