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Médicaments : Médecins et pharmaciens s’affrontent sur le droit de substitution

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La vente sans prescription médicale a explosé

Il existe un risque potentiel des effets secondaires pour certains génériques n’ayant pas encore l’étude de bioéquivalence (autorisées avant 2019) ou dispensés par voie réglementaire (aérosol, collyre dermique…).

Le Syndicat national des ophtalmologistes libéraux du Maroc (SNOLM) a organisé mercredi 24 juin une conférence en ligne autour de la thématique «Réflexions sur la politique du médicament au Maroc : qualité, innocuité, efficacité et substitution. Plusieurs experts en pharmacologie et en médecine ont apporté leur contribution aux travaux de ce webinaire. Dans son intervention portant sur la politique du médicament au Maroc, Dr Najib Amghar, secrétaire général du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), a indiqué qu’au Maroc 32% du budget du ministère de la santé est alloué aux médicaments. Ce dernier n’a pas manqué de rappeler que la dépense par habitant en médicament au Maroc ne dépasse pas les 400 DH par an, ce qui représente moins de 50 dollars, alors que les Algériens dépensent plus de 80 dollars. En Europe, la dépense annuelle en médicament par habitant dépasse les 600 dollars et aux Etats-Unis elle est supérieure à 800 dollars. Cette faiblesse est essentiellement due à un taux de couverture sanitaire de base très faible. Sur les 36 millions de Marocains, seulement un tiers bénéficie de l’AMO et peut acheter des médicaments pour se faire rembourser par la suite par les organismes gestionnaires. En revanche, pour les 14 millions de ramédistes, même s’ils achètent des médicaments, ils ne se font pas rembourser. L’extension de la couverture sanitaire de base est indispensable dans le cadre de la révision de la politique du médicament.

Le circuit anormal représente plus de 70% du marché du médicament

Par ailleurs, le Dr Amghar a signalé que l’octroi des médicaments doit se faire en respectant le circuit normal et réglementaire (prescription médicale-ordonnance-pharmacie). Cela dit, le circuit anormal, c’est-à-dire sans prescription médicale, représente plus de 70% du marché du médicament, ce qui constitue un grave danger pour les utilisateurs. S’agissant du médicament générique, ce dernier estime qu’il présente un avantage majeur qui est son prix. Ce dernier rappelle que l’étude de bioéquivalence est devenue obligatoire pour les médicaments génériques avec le décret n° 2-17-429 qui a été publié au Bulletin officiel en mars 2019. «Ce que l’on reproche au générique c’est son nombre très élevé par princeps. Le marché national est inondé par les génériques», a-t-il relevé. Au Maroc, les génériques couvrent 40% du marché national des médicaments contre 30% en France, 50% en Algérie ou encore 90% aux Etats-Unis. Parmi ses recommandations, le Dr Amghrar insiste sur l’AMM (Autorisation de mise sur le marché ) qui ne doit être délivrée qu’après une étude de bioéquivalence (renouvelable 5 ans).

Le secrétaire général du CNOM revendique la régularisation de la situation des génériques sans étude de bioéquivalence, c’est-à-dire avant la publication du décret. Ce dernier estime qu’il existe un risque potentiel des effets secondaires pour certains génériques n’ayant pas encore l’étude de bioéquivalence (autorisées avant 2019) ou dispensés par voie réglementaire (aérosol, collyre dermique…). Il recommande également l’instauration d’un répertoire des génériques. Ce dernier juge important de réorienter la fabrication des génériques vers les médicaments manquants. Selon lui, il faut inscrire la révision de la politique du médicament dans le cadre de la refonte globale du système national de santé et notamment l’extension de la couverture sanitaire de base à l’ensemble de la population.

Il faut aussi encourager l’industrie pharmaceutique nationale et assurer une autonomie nationale en médicaments essentiels. Parmi les autres recommandations importantes figure la réflexion sur la création d’une Agence nationale des médicaments avec une représentation des différents acteurs concernés, à savoir le ministère de la santé, les Ordres professionnels des médecins et des pharmaciens, les représentants des syndicats des différents secteurs, l’industrie pharmaceutique, l’ANAM, les assurances ainsi que des experts. Le droit de substitution du médicament a fait, depuis plusieurs années, l’objet d’un bras de fer entre médecins et pharmaciens. Il s’agit du droit accordé aux pharmaciens, leur donnant la possibilité de délivrer un médicament générique au patient à la place du médicament prescrit par le médecin.

Pour le Pr Farid Hakkou, secrétaire général du comité d’éthique pour la recherche biomédicale, la substitution ne se justifie pas, pour trois raisons principales, à savoir le respect du droit sacré de la prescription du médecin qui émane d’une compétence purement médicale. D’autre part, la bioéquivalence cinétique ne garantit pas toujours l’équivalence thérapeutique. Enfin, ce dernier relève l’absence d’intérêt économique dans tout acte de substitution car le remboursement se pratique sur la base du médicament générique le moins cher.

10% de Marocains glissent vers la pauvreté chaque année à cause d’un problème de santé

De son côté, le Dr Tayeb Hamdi, président du SNMG, le système de soins au Maroc présente plusieurs faiblesses. Le budget du ministère de la santé est jugé insuffisant. En 2020, il s’est établi à 19 milliards DH, soit 7,7% du budget général de l’Etat, alors que l’OMS recommande 10% minimum du budget de l’Etat.

La dépense moyenne de santé est de 188 dollars par habitant au Maroc dont plus de 50% sont supportés par les ménages. Au titre de l’AMO, environ 40% des dépenses sont assurées par les assurés eux-mêmes. Le Dr Hamdi pointe du doigt le niveau socioéconomique de la population en notant que 10% glissent vers la pauvreté chaque année à cause d’un problème de santé. Par ailleurs, le Dr Hamdi relève que 80% des malades sont servis dans les pharmacies sans ordonnance.

La part des princeps dans les prescriptions représente 68,5% contre seulement 31,5% pour les génériques. Pour ce qui est de l’automédication, les princeps représentent 77,2% contre 22,8% pour les génériques. Dans son intervention, le Dr Hamdi a insisté sur la nécessité d’augmenter le taux de pénétration des génériques. Pour atteindre cet objectif, la politique de promotion des génériques consiste à encourager la prescription médicale des génériques (incitations des médecins par le biais des conventions nationales avec les assurances maladie). Il s’agit également d’inciter et réglementer la substitution officinale et ce en assurant une neutralité financière pour le pharmacien, une neutralité ou bénéfice financier pour le patient et les caisses de maladie (marge bénéficiaire du pharmacien fixe pour le groupe princeps et génériques).

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