Depuis vendredi, les planches pleurent la perte d’Abdelkader El Badaoui. Un pionnier du théâtre national s’en est allé à l’âge de 88 ans. Il n’est pas facile de parler d’un grand nom tel que M. El Badaoui. Dramaturge de grand calibre et créateur au fond de l’âme mais surtout fondateur d’une grande école de théâtre.
Il a surtout eu un style propre à lui et une vision unique au théâtre. À son égard, son ami proche, le grand écrivain et dramaturge Abdelkrim Berrechid, témoigne : «Abdelkader El Badaoui est l’un des piliers du théâtre national et de la télévision marocaine. C’est un grand militant. Il a pratiqué le théâtre avec un grand amour. Il a pu sillonner toutes les villes et tous les villages du Maroc dans les années 60-70. J’ai eu l’honneur de collaborer avec lui dans les années 1977, notamment à travers la pièce de théâtre «Les Noce de l’Atlas»». Et d’ajouter : «Nous étions très proches. C’était un homme sincère et franc. Quand on parle d’El Badaoui, on parle de sa famille entière : son épouse, ses filles Karima et Hassna, son fils Mouhcine ou son frère Abderezzak. Tous ont milité pour le théâtre marocain».
Ahmed Massaia, critique de théâtre et grand académicien, a dressé, pour sa part, en quelques mots, un portrait fidèle au défunt. Il a écrit sur sa page Facebook : «Le dernier des Mohicans vient de quitter la scène, une scène théâtrale vidée presque de sa substance malgré les hurlements… dans le vent. Abdelkader El Badaoui a toute sa vie hurlé contre des moulins à vent puis s’est éteint en silence. Il a toujours défendu le théâtre marocain».
Il faut dire que le grand Abdelkader El Badaoui a sacrifié sa vie pour cet art et créé sa troupe très connue nommée «El Badaoui». En effet, le défunt l’a fait connaître à tous les Marocains et l’a fait entrer dans leurs foyers à travers des pièces de théâtre évoquant des thématiques sociétales touchant les vrais problèmes et préoccupations de la société marocaine.
«Pour ceux qui ont la mémoire courte ou ceux qui l’ont totalement perdue, la troupe des frères Al Badaoui avait durant toute une époque agrémenté nos soirées télévisuelles. Le public marocain attendant religieusement les soirées théâtrales qui offraient chaque semaine les spectacles de la troupe des frères Al Badaoui. Omniprésente aussi dans les universités où des milliers d’étudiants suivaient avec intérêt le théâtre Al Badaoui. C’était seulement 5 DH le ticket, prix étudiants, et tout le monde passait à la caisse», dit M. Massaia.
Feu Abdelkader fut un auteur averti. Il a œuvré pour un théâtre de bonne qualité ouvert sur la culture marocaine. D’ailleurs, il a accompagné les mutations de la société marocaine et ses changements par le biais de ses œuvres théâtrales. Parmi lesquelles «Al Hariboune», «Ghita», «Al Atiloune», «Yad Achar», «Ras Derb», «L’employé renvoyé», «Sacrifice et douleur», «Généalogie», en plus de plusieurs séries télévisées, comme «Namadij bachariya» et «Nafida Aâla Moujtamâa». Une fois de plus, le parcours d’Abdelkader El Badaoui est riche en expériences et en créativité, qui laisse derrière lui une véritable richesse théâtrale qui restera à jamais gravée dans nos mémoires. «Nous aujourd’hui, sommes appelés à sauvegarder son héritage et célébrer sa mémoire à travers l’organisation de colloques ou de séminaires», conclut M. Berrechid.