Le drame s’est enclenché avec la disparition d’un petit enfant, Rayan, nom devenu universellement symbole mythique de l’humanisme et de l’héroïsme en ce début du 21ème siècle.
Ce mardi 1er février 2022, Rayan jouait à côté de sa maison, mais il a d’un seul coup disparu. Toute la famille s’est mobilisée pour le chercher jusqu’à ce qu’on apprenne qu’il était tombé dans le puits. Avec la transmission rapide de l’annonce, des milliers de sympathisants avaient accouru en signe de solidarité et campé sur place, dans cette zone montagneuse du Rif, à près de 700 mètres d’altitude.
Devant le tunnel, à chaque apparition d’un bulldozer, des applaudissements et des cris d’Allah Akbar (Dieu est le plus grand) encombraient l’air. Un bénévole surnommé Ba Ali est devenu un modèle de sacrifice et de secourisme car depuis son arrivée sur les lieux, armé de son expérience en forage de puits, il n’a cessé de creuser avec ses mains dans les dernières minutes pour sauver l’enfant.
Contemplée comme une action qui doit être terminée dans un délai très court par les sauveteurs qui a été suivie en direct par de nombreux internautes, les hommages ont afflué sur les réseaux sociaux en provenance du monde entier, du Maghreb jusqu’en Irak, au Yémen, en France ou aux Etats-Unis, dans toutes les langues. Après la bonne nouvelle du sauvetage de Rayan, on apprenait plus tard par un communiqué du Cabinet Royal que le petit garçon marocain était mort. Sa Majesté le Roi Mohammed VI en personne a appelé les parents de Rayan pour présenter ses condoléances, et ces derniers ont remercié, émus, le Souverain, les autorités et tous les sauveteurs.
«Ina lillah wa ina illayhi Raji’oon», formule islamique tirée de la Sourate Al baqara, qui veut dire : C’est à Dieu que nous appartenons et c’est à Lui que nous retournons. Par cette description, le Tout Puissant nous rassure que la mort n’est pas une fin et que nous ne sommes pas seulement un corps, mais aussi une âme et l’âme est infinie. Comme le Divin dont elle tire son essence, l’âme ne connaît ni le temps ni l’espace. Il lui est donné un corps pour la contenir dans son expérience terrestre et lorsque cette expérience se termine, alors l’âme est libre de rejoindre son créateur, pareille à un véhicule que nous empruntons le temps d’un voyage, et que nous redonnons lorsque le voyage se termine. Rayan a achevé sa mission, et il a rendu son véhicule ; reste la question existentielle que le monde entier en général et nous en particulier en tant que patriotes marocains se sont posée: Que veut nous dire cet incident et quelles leçons en tirer ?
Améliorer la condition de vie du monde rural
Ce terrible accident devrait mobiliser le pays à effectuer des travaux de façon efficace, des fois on a l’impression que le développement ne concerne que les villes ; désormais, bien que le monde rural occupe 90% de la superficie du Royaume, il continue à subir un retard notable en termes d’indicateurs de développement (faiblesse des infrastructures, enclavement, faible accès aux services de base, précarité, analphabétisme) ; les populations du monde rural souffraient de l’accès à l’eau potable et à l’électricité.
Certes, des politiques menées par l’Etat dans le but d’atténuer le désenclavement et la faiblesse de l’accès aux services de base du monde rural ont permis de réaliser des avancées considérables, grâce à la répartition du pays en 12 régions, dont 1.282 communes rurales, soit 85% des communes du pays, afin d’aider les entités territoriales à réaliser leur développement et à consacrer la politique de proximité. Néanmoins, pour l’Observatoire du nord pour les droits de l’Homme «ONDH», même s’il a apprécié les efforts déployés jusqu’à présent auprès de Rayan et de sa famille, il a constaté que la responsabilité des autorités au niveau d’un ensemble de préfectures et de provinces du nord du Maroc est flagrante, pour avoir fermé les yeux pendant des années sur les opérations de creusement de centaines de puits, comme preuve, le témoignage de ce jeune associatif issu de Chefchaouen, M. Nabil El Baz, accordé au journal Yabiladi: «Avec les années de sécheresse, les creusements se sont multipliés mais beaucoup de ces puits ne permettent plus l’alimentation en eau des habitants. Ils sont donc abandonnés mais sans que les accès ne soient condamnés, ni par les habitants qui les creusent ni par les autorités qui doivent y veiller auprès des propriétaires, ce qui donne lieu à des accidents tragiques comme celui de Rayan».
Des actes de solidarité et dénouement
Néanmoins, nous devons en tant que citoyens marocains rendre justice et honorer l’opération de sauvetage de grande envergure menée par les autorités marocains durant laquelle tout le monde a fait preuve de compétence et de savoir-faire, pendant tous les jours du drame. Les sauveteurs dotés d’un professionnalisme exemplaire avaient continué leur travail centimètre par centimètre, creusant à la main pour éviter tout éboulement. Les secouristes s’étaient efforcés de faire parvenir de l’oxygène et de l’eau jusqu’à Rayan, sans certitude qu’il puisse les utiliser.
La mort de Rayan a déclenché une émotion considérable, amplifiée par les réseaux sociaux, au Maroc et dans le monde entier ; son sort a mobilisé tous les citoyens du monde, qui l’ont pleuré, et adopté chacun dans son cœur le petit Marocain, rappelant au monde les valeurs de l’humanité.
Une vague d’hommages s’est répandue à la suite de l’annonce du décès, entre anonymes et célébrités, politiciens, sportifs et artistes, ils étaient des dizaines de milliers à réagir sur les réseaux sociaux. Aussi, cet incident a attiré une attention croissante à l’échelle internationale. Des millions de personnes à travers le monde se sont connectées aux flux en ligne pour regarder l’opération de sauvetage en direct. Des chaînes d’information comme Al Jazeera et la BBC ont couvert l’incident, consacrant leur temps d’antenne à une diffusion en direct.
En signe d’appui à la famille de Rayan et envers les sauveteurs mobilisés sans relâche depuis déjà quatre jours, des milliers de personnes modulent des chants et prient à proximité du puits. Certaines ont pris l’initiative de cuisiner des plats chauds pour les secouristes, quant à d’autres, elles ont même décidé de dormir sur place, malgré les températures glaciales à cette période de l’année dans la région.
Un appel pour la redécouverte des vertus de la solidarité et de notre humanité
Si on devait classifier ce martyr Rayan parmi les 12 figures symboliques des archétypes qui représentent un ensemble de qualités et de schémas de pensée et de comportements, selon l’approche du psychologue Carl Gustav Yung, Rayan symbolisera l’archétype de l’innocent ; pour cet enfant de 5 ans le monde est un endroit merveilleux où tout est possible car sa nature positive l’amène à voir ce qu’il y a de bon en chacun et en chaque chose.
C’est cette tendance innée (l’innocence) qui a généré des images de partout dans le monde avec une intense charge émotionnelle de compassion, de pitié et d’amour laissant des traces digitales chez toute l’humanité qui vont rester plongées dans l’inconscient de tous.
Rayan est l’archétype des enfants qui volent pour un Eden qui est promis aux enfants du monde qui méconnaissent le mépris, la négligence, les guerres et les conflits, rappelant au monde qu’il est de leur devoir de protéger les autres enfants des aléas de la vie, surtout d’éviter de faire du mal pour toutes des futilités qui emplissent notre vie et de rester solidaires et fraternels, et que nos enfants ne sont pas faits pour mourir, mais pour vivre le plus longtemps et le plus joyeusement possible. Quant aux vertus perdues, cessons de les chercher au fond d’un puits ou dans le sort tragique d’un petit enfant, mais dans notre quotidien, afin que de tels drames ne se reproduisent plus, et surtout honorer la profonde valeur et l’appel à la vie de chaque personne, car c’est cette appréciation de la dignité et de la valeur de la vie qui a attiré l’empathie du monde entier envers le sort de Rayan.
Bien que notre histoire ne représente pas la forme des étapes des histoires du héros aux mille visages du mythologue américain Joseph Campbell, car dans le cas de ce drame, notre héros n’a pas choisi l’appel à l’aventure pour confronter des démons (le puits), mais il a réussi à trouver des sponsors, ce que Campbell désigne par «les gardiens» qui ont servi de soutien pour notre héros, et qui ont émergé d’endroits surprenants avec lesquels Rayan est resté connecté pour recevoir leur prière et leur supplication à Dieu de sauver Rayan; et qui sait que derrière une difficulté réside une opportunité, comme disait Campbell, «la grotte dans laquelle vous craignez d’entrer contient le trésor que vous cherchez»… A méditer.
(*) Cadre en communication
et coach personnel et d’équipe.