Une fois à quai, les arrivants passent à table. «Le dîner vous attend», convia l’attachée culturelle de l’ambassade de France à Athènes. Nous n’avions certes pas débarqué dans l’un de ces fameux restaurants que compte Vathy, comme «Manolis» qui sert la meilleure nourriture cuite dans des fours d’argile. Un agneau rôti, spécialité où le célèbre père Manolis avec son fils sont passés maîtres incontestés, fait saliver plus d’un visiteur.
Elevés dans les montagnes, nourris, entre autres, aux feuilles d’olivier, des citronniers, des vignobles et autres arbres fruitiers qui recouvrent ces montagnes, les agneaux de Vathy ont un goût très délicieux. Mais n’oublions pas que, au même titre que les agneaux, Vathy recèle de grandes richesses halieutiques. Située en bord de mer, la capitale d’Ithaca possède des côtes très riches en poissons.
A notre arrivée, nous avions eu le choix entre une variété impressionnante de poissons, allant des poissons-épée (espadon) au poisson volant, du poisson rouge (carassin ou cyprin doré) aux poissons plats (turbots, carrelets, limandes, soles, etc). Le menu, que nous présenta une jeune serveuse grecque d’un charme que seuls les habitants des îles en possèdent, suscita ainsi l’embarras du choix.
La discussion dérapa soudain sur les vertus de chaque poisson. Hélène Bourguignon en profita pour faire un petit détour du côté de la douane du port. Quelques minutes plus tard, elle me fit signe de me présenter aux autorités portuaires grecques, contrôle des passeports oblige. «Parlez-vous greeg», me demanda un douanier. «J’aurais bien aimé», rétorquai-je. Après avoir apposé son tampon, il me remit mon passeport, en me disant, en grec, «Kalespera» (bonsoir). De l’autre côté du service des Douanes, mes compagnons avaient changé de sujet de discussion.
En fait, Richard Martin n’avait pas digéré le fait que la maire de Vathy nous posât un lapin, pas plus que nous d’ailleurs. L’attachée culturelle de l’ambassade de France à Athènes, elle, ne voulait pas en faire un plat. Elle mit «ça» sur le compte de la nature des îliens grecs, connus, dit-elle, pour avoir une «fierté» et une «sensibilité d’écorchés vifs».
En effet, contrairement aux Athéniens, plus ouverts, les habitants des îles, a fortiori de Vathy, marquée par une vieille blessure engendrée par les invasions et la piraterie, sont restés méfiants à l’égard des étrangers. Loin de nous l’idée de généraliser, parce que parmi ces îliens, il en y eut plusieurs à avoir démontré leur ouverture d’esprit et leur générosité. Dans le parler des îliens, on put distinguer un mot très courant : «Iasas», qui veut dire en grec «salut». Simplement, un séjour dans les îles ioniennes revient très cher.
A défaut d’offre d’hébergement de la part des autorités de Vathy, nous dûmes payer une nuitée au prix d’or dans un hôtel pourtant très modeste. «40 euros» (!), nous prescrit un maître d’hôtel. La facture n’avait pas fait sourciller Emilio Garrido, un ami journaliste à la Radio nacional de Espana. «C’est le prix à payer pour admirer la plus belle île de la Grèce», me fit-il en connaissance de cause. Ville, dont les racines trempent dans la préhistoire, confluent où convergèrent plusieurs civilisations (vénitienne, ottomane, byzantine, phénicienne, française, anglaise, etc), Vathy possède une architecture qui est souvent (et faussement) associée avec la totalité de la Grèce et qui consiste en une architecture simple marquée par des maisons blanchies à la chaux, aux toits plats et aux volets et portes colorées en bleu.
Pour s’en rendre compte, il suffit de se taper une petite trotte du côté du village Perahori, situé à 3 kilomètres au sud de Vathy, construit sur le sommet d’une colline, 300 mètres au-dessus de la ville, d’où cette vue magnifique sur la mer ; ou du côté de «Paleohora», qui signifie en grec «village ancien», considéré comme la capitale de l’île pendant le Moyen Age et le début de la période vénitienne. Le 21 juillet, à la pointe du jour, nous quittâmes, non sans regret, ce bout de paradis terrestre. A 8 heures, j’embarquai à bord d’un ferry-monstre. Destination : Athènes.














