Entrée en vigueur : A partir du 1er janvier 2026, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne entrera entièrement en vigueur avec une période transitoire qui durera du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025. Plusieurs industries et produits seront soumis à cette nouvelle mesure. En tant que partenaire de l’UE, le Maroc fait partie des pays concernés par ce processus. Voici ce qu’il faut savoir sur l’application de ce nouveau mécanisme.
L’Union européenne et le Maroc se fixent des objectifs élevés pour la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. En décembre 2019, l’UE a dévoilé sa politique pour le climat visant à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et actuellement, elle se prépare à mettre en place un mécanisme de taxe carbone à ses frontières (CBAM). Le 13 décembre 2022, le Conseil et le Parlement européens ont atteint un accord provisoire et conditionnel sur le CBAM.
En vertu de cet accord, ce mécanisme sera opérationnel à partir d’octobre 2023. Pour y voir plus clair la Fédération des industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques (FIMME) au Maroc a organisé le 2 mars 2023 un webinaire sous le thème «Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne» avec la participation d’Yves Melin et Isabel Fressynet, deux avocats spécialisés dans le droit européen et basés à Bruxelles. Pour Yves Melin, le CBAM est une mesure visant à garantir que les biens importés paient un prix pour leur émission de carbone qui est comparable au prix payé par les producteurs européens sous système ETS. Il estime que le CBAM n’est ni un droit de douane, ni une taxe à l’importation.
Il faut dire que l’Europe veut inciter ses partenaires commerciaux à entreprendre cette démarche et en même temps, elle cherche de plus en plus à rapatrier son industrie. «Le problème c’est que si l’UE se concentre sur la décarbonation des processus en Europe en rendant plus chère l’émission de gaz à effet de serre, elle va probablement causer la délocalisation d’une partie des industries dans son immédiate périphérie, voire plus loin», relève-t-il. Par ailleurs, les pays se conformant à ce mécanisme auront plus d’avantages en termes de compétitivité.
Qui sont les secteurs et les produits concernés ?
La liste des produits concernés par le CBAM est appelée à s’étendre dans l’avenir. A ce stade, ce mécanisme imposera un prix carbone sur les importations de ciment, d’engrais, de fer et d’acier, d’aluminium et d’électricité ainsi que sur l’hydrogène, les matériaux de base utilisés comme intrants dans la production de produits CBAM et quelques produits en aval comme les vis et les boulons. Ces produits sont visés par le CBAM immédiatement c’est-à-dire dès octobre 2023. Pour l’avocat, il va falloir se conformer au mécanisme de taxe carbone aux frontières pour les produits visés directement mais aussi anticiper pour les autres produits puisque la liste des produits concernés va s’allonger.
En termes de calendrier, il y aura une période transitoire qui va du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025 durant laquelle les importateurs de l’UE devront se soumettre aux obligations de déclaration sans pour autant acheter des certificats CBAM. Ils devront de ce fait déclarer à la Commission la quantité de produits CBAM importés, les émissions totales et le prix du carbone payé dans le pays d’origine pour les émissions intrinsèques, le cas échéant. Yves Melin souligne également que le CBAM entrera entièrement en vigueur le 1er janvier 2026. Et donc à partir de cette date, les importateurs de l’UE seront tenus d’acheter des certificats CBAM correspondant aux émissions intrinsèques des produits concernés pour pouvoir les importer dans l’UE. A noter que ce nouveau mécanisme est directement lié à la législation douanière européenne. Par conséquent, le revenu du CBAM sera une nouvelle source propre de l’UE, tout comme le droit de douane.
Effets immédiats
Pour les importateurs de l’UE dont les produits sont immédiatement concernés par le CBAM, ils devront calculer (avec exactitude) les émissions intrinsèques dans les produits qu’ils importent et soumettre ce calcul dans leur déclaration CBAM. A défaut de la faire, il faut acheter des certificats CBAM et donc payer plus sur la base d’une valeur par défaut élevée. Ils devront être prêts à déclarer les émissions intrinsèques des produits importés dès 2023 et être aptes à acheter des certificats CBAM à partir du 1er janvier 2026. «Si vous n’avez pas commencé à faire l’audit de votre empreinte carbone, il est grand temps de le faire parce que l’absence d’informations génère une dette qui est l’obligation d’acheter le montant par défaut des certificats CBAM», précise l’expert.
Pour ce qui est des importateurs de l’UE actuellement non soumis au champ d’application du CBAM, ils doivent également se préparer. En effet, ce mécanisme est voué à s’étendre rapidement jusqu’aux produits en aval qui englobent des processus de manufactures complexes en utilisant des matières premières (pièces en acier, matières plastiques, etc.) ainsi que des produits finis (automobiles, machines, appareils électroniques et jouets).