Film documentaire
Poignant mais émouvant aussi. Le film documentaire de Rahma Benhamou El Madani intitulé «Pacte de Sel»ne laisse pas indifférent.
Au contraire, on en ressort avec une prise de conscience réelle et encore plus forte de la souffrance qu’ont vécue les Marocains expulsés d’Algérie dans les années 70. L’arrachement est réel. La réalisatrice en est une victime, ses parents surtout… A 6 ans, elle a dû quitter son village natal près de Tlemçen pour la France. Et c’est avec les larmes aux yeux qu’elle raconte déjà, avant la projection cinématographique, son vécu mais aussi celui de milliers de Marocains qui se sont trouvés, du jour au lendemain, dépouillés de leurs biens sans toit ni argent. Repartir de zéro au Maroc ou le plus souvent à l’Hexagone c’est le sort qui les a attendus. Les images sont tournées en 2001.
La productrice du film documentaire est allée sur place rechercher les anciens voisins de ses parents, expulsés en 1975. Plusieurs figures ont joué le jeu avec la caméra témoignant et racontant leur lien avec la famille de Rahma. Zineb, Yamna, elles sont nombreuses à avoir accepté d’ouvrir leurs portes pour que la caméra immortalise des murs, des espaces de joie et de tristesse mais aussi des vies actuelles qui se sont fondues dans l’écosystème algérien.
Le titre du film est fort. Le sel se retrouve du début à la fin de la réalisation cinématographique. Il renvoie aussi à une expression ancestrale qui dit : «quand on partage la nourriture on ne peut pas trahir…» Tout est dit, mais Rahma ne le dira pas et laissera les images parler d’elles-mêmes. Revenir 40 ans en arrière est très important pour la productrice. L’histoire contée par ses parents lui a insufflé une véritable envie de repartir dans le petit village natal. Elle a pu non seulement faire une introspection certaine mais aussi authentifier une époque qui laissera une trace à jamais chez toutes les personnes qui ont été expulsées d’Algérie.
Financé par le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) et la Fondation Hassan II, le film documentaire revêt toute une symbolique. Rahma Benhamou El Madani ne rentrera pas dans les détails politiques mais apportera à travers son art cinématographique tout ce que la politique peut décrire en mots. Les images, les chants, les champs -où plusieurs ont dû laisser leurs terres pour s’enfuir- et l’ambiance générale dans laquelle a été tourné le film sont largement suffisants pour que le spectateur comprenne le degré de souffrance, d’arrachement qu’ont vécu les Marocains de l’époque qui vivaient en Algérie.
Biographie
Productrice et réalisatrice franco-marocaine, Rahma Benhamou El Madani est née en Algérie dans une famille marocaine. Le jour où ses parents ont été expulsés, elle avait 6 ans. Depuis, elle a grandi en région bordelaise avec les siens. Diplômée en sciences du langage, lettres et cinéma, l’artiste signe ses films sous le nom de «Rahma Benhamou El Madani». Sa maison de production Plein Cadres vit le jour en 1996 à Lilles. Elle créera par la suite une autre à Paris et en 2019 une autre à Tiznit. C’est ainsi qu’elle écrit, réalise et produit plusieurs films documentaires et de fictions. Pacte de Sel fait suite à son documentaire «Du côté de chez soi», sorti en 2003 coproduit par les frères Dardenne et diffusé sur la chaîne marocaine 2M.
