C’est le compte à rebours pour la lettre de cadrage de la loi de Finances 2024. Prévu pour la rentrée parlementaire prochaine, le PLF 2024 commence d’ores et déjà à prendre forme. Les premières pistes commencent à filtrer. Tour d’horizon.
Les regards se tournent vers le ministère de l’économie et des finances qui lance les préparatifs pour le projet de loi de Finances 2024. Entre les propositions des différents départements ministériels et institutionnels et les premiers arbitrages, les contours du budget de la prochaine année se dessinent. Si la traditionnelle lettre de cadrage est attendue pour les prochaines semaines, fixant le cadre global du futur budget, les premières pistes ont été dévoilées. Ainsi, le ministre délégué chargé du budget, Fouzi Lekjaa, a indiqué il y a quelques jours devant les parlementaires qu’une série de réformes est attendue en 2024 pour rendre la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) plus juste. Concrètement et en réaction aux demandes des parlementaires concernant «la mise en œuvre de la réforme fiscale», M. Lekjaa avait expliqué que l’implémentation de la réforme fiscale entamée en 2020 et qui a connu une étape importante en 2023 avec notamment les réformes relatives à l’impôt sur le revenu (IR), dont la retenue à la source, puis l’impôt sur les sociétés (IS), «se poursuivra en 2024 à travers la mise en place d’un ensemble de réformes de la TVA pour la rendre plus juste, sans impacter les entreprises». A cet égard, a-t-il souligné, «nous essaierons dans la mesure du possible d’œuvrer à la réduction de la TVA sur les produits de base, notamment les médicaments, les fournitures scolaires, et autres produits», notant que cette mesure vise à réduire les prix de ces produits et à rétablir la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.
Informel
M. Lekjaa avait, en outre, relevé qu’en 2024, «nous allons aussi nous pencher sur la question du secteur informel, qui constitue un énorme fardeau pour l’économie nationale». Il a rappelé que la feuille de route de la réforme fiscale était au centre des discussions où toutes les parties ont participé, à travers deux éditions des Assises nationales dont les conclusions visaient à élargir l’assiette fiscale, ce qui permettra d’alléger la pression fiscale sur les entreprises en général, et d’éviter le recours aux incitations fiscales, qui décroissent d’année en année, comme en témoignent les rapports accompagnant la loi de Finances. Il faut dire que le secteur de l’informel représente une vraie problématique et une préoccupation majeure pour les responsables. Les chiffres sont édifiants. Selon le résultat d’une étude publiée par Bank Al-Maghrib en 2021, le secteur informel au Maroc représente environ 30% du PIB. Selon le Centre marocain de la conjoncture (CMC), l’économie informelle crée alors un manque à gagner certain en termes de recettes fiscales et sur le volet des cotisations sociales à l’État, mais aussi un manque de création de valeur pour l’économie marocaine. Les entreprises formelles marocaines concurrencées par celles du secteur informel perdent en rentabilité (chiffre d’affaires) en limitant les investissements, l’innovation, la capacité des acteurs et l’amélioration de la productivité. Les inconvénients de l’informalité se ressentent également dans la chute des prix et de la qualité des produits et services (contrefaçon, non-respect des normes…). Et bien entendu, l’informel impacte directement la qualité de l’emploi qui se caractérise par la précarité, l’instabilité, l’absence d’avantages sociaux et un salaire moyen faible. Le PLF 2024 pourrait apporter les premières réponses gouvernementales pour l’intégration de l’économie informelle.
Pouvoir d’achat
L’autre dossier important qui sera traité par le futur budget concerne l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages. Dans ce sens, le gouvernement avait annoncé que les partenaires sociaux ont convenu dans le cadre des derniers rounds du dialogue social de poursuivre l’action et la réflexion communes, au sein d’une commission mixte, en vue d’examiner toutes les mesures de nature à améliorer le pouvoir d’achat des citoyens, dans la perspective de la préparation du projet de loi de Finances prochain. Le gouvernement s’est appliqué depuis son investiture à édifier des partenariats solides avec les centrales syndicales en vue de jeter les bases d’un dialogue social sérieux et régulier et de respecter l’ensemble des engagements sociaux inscrits dans le programme gouvernemental. Pour rappel, le chef de gouvernement avait entamé des consultations avec les centrales syndicales en avril dernier. Il avait alors relevé que le lancement du round d’avril du dialogue social s’est déroulé dans un climat positif et responsable, marqué par le respect total et l’échange de points de vue, soulignant le bilan honorable du dialogue social ; le gouvernement ayant veillé au respect d’un grand nombre de ses engagements, en dépit de la conjoncture difficile. L’Exécutif a ajouté que la tenue de ces réunions consacre de manière ferme l’institutionnalisation du dialogue social et le total respect des rendez-vous annuels. Une nouvelle réunion devrait avoir lieu en septembre prochain entre les partenaires, soit quelques semaines seulement avant l’ouverture du Parlement et le dépôt du projet de loi de Finances 2024 à la Chambre des représentants. La réunion du mois de septembre est traditionnellement consacrée aux propositions des partenaires sociaux concernant le futur budget.
Tourisme interne
Par ailleurs, les responsables pourraient profiter du PLF pour doper le tourisme interne. L’un des instruments très attendus concerne les chèques vacances. La ministre du tourisme Fatim-Zahra Ammor avait assuré lors d’un passage télévisé que la mise en place des chèques vacances pourrait intervenir dès l’année prochaine. «Nous sommes sur la dernière ligne droite et nous espérons qu’il verra le jour dans le cadre de la prochaine loi de Finances», avait-elle souligné ajoutant que le retard dans l’entrée en vigueur de ce dispositif est dû essentiellement à des «détails techniques», qui sont en train d’être levés pour une mise en service effective des chèques vacances dès l’année prochaine.
L’année 2022 a été marquée par une bonne dynamique du tourisme interne (près de 8 millions de touristes nationaux) avec un taux de reprise dépassant les 101% par rapport à 2019. Les responsables veulent maintenir le cap et dynamiser encore plus le tourisme interne. Ce coup de pouce est de nature à augmenter le budget voyage des ménages marocains ainsi que la durée du séjour, principalement dans les établissements classés à l’échelle nationale.
Selon l’article 75 de la Constitution, «le Parlement vote la loi de Finances, déposée par priorité devant la Chambre des représentants, dans les conditions prévues par une loi organique. Celle-ci détermine la nature des informations, documents et données nécessaires pour enrichir les débats parlementaires sur le projet de loi de Finances. Les dépenses d’investissement nécessaires à la réalisation des plans de développement stratégiques ou des programmes pluriannuels ne sont votées qu’une seule fois, lors de l’approbation de ces derniers par le Parlement et sont reconduites automatiquement pendant leur durée. Seul le gouvernement est habilité à déposer des projets de loi tendant à modifier le programme ainsi adopté. Si, à la fin de l’année budgétaire, la loi de Finances n’est pas votée ou n’est pas promulguée en raison de sa soumission à la Cour constitutionnelle en application de l’article 132 de la présente Constitution, le gouvernement ouvre, par décret, les crédits nécessaires à la marche des services publics et à l’exercice de leur mission, en fonction des propositions budgétaires soumises à approbation».
Parcours de la loi de Finances
Avant le 15 juillet, le ministre chargé du budget expose en Conseil de gouvernement l’état d’avancement
de l’exécution de la loi de Finances en cours et présente la programmation triennale des ressources et des charges de l’Etat ainsi que les grandes lignes du projet de loi de Finances de l’année suivante.
Avant le 31 juillet, le ministre chargé du budget expose devant les commissions des finances du Parlement le cadre général de préparation du projet de loi de Finances de l’année suivante. Cet exposé comporte aussi l’évolution
de l’économie nationale, l’état d’avancement de l’exécution de
la loi de Finances.
Au plus tard le 20 octobre de l’année budgétaire en cours : dépôt du projet de loi de Finances de l’année au bureau de la Chambre des représentants. Les 30 jours suivant
le dépôt du projet : la Chambre des représentants se prononce sur le projet de loi de Finances de l’année.