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Les enseignements de la polémique de l’axe Rabat-Paris

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Logique de déni 
Pour Rabat, il est inconcevable, voire à la limite du scandaleux, de lier l’acceptation de l’aide française à la crise politique qui marque les relations franco-marocaines.

Lorsque l’intensité de l’émotion internationale face à ce drame marocain aura baissé et que de grands chantiers de la reconstruction auront commencé, resteront les effluves médiatiques d’une puissante polémique entre la France et le Maroc autour de l’acceptation de l’aide française proposée avec une insistance remarquée par le président Emmanuel Macron.
Les autorités marocaines avaient beau expliquer que toutes les aides finiront par être acceptées et s’il y a une illusion de lenteur qui pourrait aux yeux de certains s’apparenter à un refus poli, c’est parce que le Maroc a fait le choix souverain de gérer de manière rationnelle et coordonnée ces aides internationales dans le but assumé d’éviter la désorganisation, les embouteillages qui rappellent les précédents turc ou haïtien. Une aide massive, mal gérée, produirait de l’inefficacité et rajouterait du chaos.

Mais ces explications marocaines, qui visaient à tuer dans l’œuf toute polémique inutile dans un contexte de grande crise et de mobilisation nationale exceptionnelle, n’ont pas convaincu les grands médias français dont la couverture de ce séisme fut d’une exceptionnelle densité. Et tout le travail des commentaires et des éditorialistes est de s’interroger sur les vraies raisons qui ont produit cette situation où les autorités marocaines ont accepté en priorité les propositions d’aides de pays comme les Emirats arabes unis, le Qatar, l’Espagne et la Grande-Bretagne et pas la France.
Et brusquement l’opinion française commence à se poser cette interrogation à haute voix: Pourquoi malgré la proximité entre les deux pays, leurs partenariats stratégiques, leurs relations historiques et imbriquées, le Maroc n’a pas donné une suite favorable immédiate à la proposition française ? Pourquoi malgré le fait que la société civile française et sa galaxie médiatique se sont spontanément mobilisées en faveur des sinistrés du séisme et montré une solidarité sans faille à l’égard du Maroc, l’aide officielle française semble avoir été battue froid par Rabat ?
La réalité des faits est que la crise politique entre la France et le Maroc, mutique, froide, de basse intensité, était imperceptible pour l’opinion française. Cette situation a été encouragée par la logique de déni dans laquelle la diplomatie française s’était enfermée en refusant d’admettre publiquement l’existence de divergences politiques tellement graves et profondes entre les deux pays, à tel point qu’ils sont actuellement dans l’incapacité d’organiser une visite d’Etat du président Emmanuel Macron au Maroc.

Ce séisme, les choix qui l’ont accompagné, les attitudes qui l’ont distingué, ont réagi comme un effet révélateur de la réalité de la crise entre le Maroc et la France. Pour Rabat, il est inconcevable, voire à la limite du scandaleux, de lier l’acceptation de l’aide française à la crise politique qui marque les relations franco-marocaines. Le Maroc refuse catégoriquement de politiser cette catastrophe naturelle. Il n’empêche que les grands médias français ont essayé de creuser les vraies raisons qui pourraient inspirer ce comportement du Maroc à l’égard de la France.
Deux éléments d’information ont été soulignés avec profusion par les médias français et dont les effets politiques vont fatalement se faire sentir à court terme. Le premier touche la difficulté de communication entre les deux chefs d’Etat, le Roi Mohammed VI et Emmanuel Macron. La rareté de leurs contacts directs a révélé une sécheresse dans la relation entre deux hautes autorités qui inquiète et interpelle.

Le second élément qui a été généreusement commenté par la presse française, écrite et parlée, touche la pierre angulaire des divergences entre la France et le Maroc, à savoir le positionnement français sur le Sahara marocain. C’est la première fois que dans des médias à grande audience la question du Sahara fut évoquée avec autant de clarté et la position française ambiguë et confuse fut pointée du doigt.
Dans des débats parfois passionnés, le pari algérien d’Emmanuel Macron sur l’Algérie qui explique la réticence française à l’égard de la souveraineté marocaine sur son Sahara fut démonté avec une telle efficacité qu’il n’en sortira pas indemne.

Emmanuel Macron a été mis par les faiseurs d’opinion français devant la responsabilité de l’échec de sa politique maghrébine. Son tropisme algérien fut infécond et ses relations avec le Maroc gratuitement empoissonnées.
A l’égard du Maghreb, il est une réalité politique incontestable. L’avant-séisme ne ressemblera certainement pas à l’après -séisme. Macron est dans la quasi-obligation politique de réinventer sa vision pour la rendre compatible avec les légitimes exigences marocaines.

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