Société

«Les émotions de nos enfants face à ce drame sont difficiles à contenir»

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Le dernier tremblement de terre qui a frappé quelques régions du Royaume a causé un stress incomparable chez les personnes qui ont survécu à cette tragédie surtout chez les enfants. Quelles mesures à prendre pour que l’accompagnement de ces enfants porte ses fruits ? Eléments de réponses avec Dr Mohammed Benbrahim, pédopsychiatre au CHR de Beni Mellal.

ALM : Quel est l’impact du dernier séisme qui a frappé quelques régions du Maroc sur les enfants ?
Dr Mohammed Benbrahim : Ce qui est certain, c’est que les répercussions psychologiques du séisme se sont fait sentir à travers tout le Royaume. Et ceux qui n’en ont pas été directement témoin l’ont constaté à travers les médias et les réseaux sociaux.
Des scènes atroces de ravages et de ruines et des témoignages d’horreur par des concitoyens qui parlent notre langue et qui partagent la même culture que nous. Le choc est indéniable et les émotions de nos enfants face à ce drame sont difficiles à contenir.
J’ai des amis qui m’ont contacté pour des malaises que leurs enfants ont pu manifester, je ne peux qu’imaginer le choc des enfants directement victimes du séisme. Des symptômes comme de l’énurésie, des tics, de l’anxiété, des cauchemars, des troubles du sommeil, ou de l’appétit.
Dans pas mal de cas, c’est la capacité à se concentrer au cours des tâches pédagogiques qui est atteinte en premier lieu, ou parfois les relations sociales. Bref, les symptômes sont de nature polymorphe, mais traduisent tous un malaise psychologique assez conséquent. Je rappelle que je parle ici d’enfants qui n’ont pas été victimes directes du drame, qui n’ont pas perdu un être cher ou un domicile ou d’autres biens précieux, le choc dans ces cas ne peut qu’être démesuré.

Quelles approches à adopter pour triompher des chocs et des complications sensorielles et psychologiques chez les enfants en particulier ?
Pour les enfants qui ont vécu de près les dégâts du séisme, il faut d’abord s’organiser pour leur fournir les besoins les plus fondamentaux et les plus prioritaires : un abri, à boire et à manger, les soins médicaux d’urgence, des vêtements et couvertures, le tout dans des conditions humaines qui respectent leur dignité. Ces interventions d’aide humanitaire doivent être organisées par l’État ou bien par des organismes désignés par l’État pour éviter les dérapages. Les initiatives individuelles improvisées à droite et à gauche, quoique traduisant la générosité et la solidarité des Marocains, peuvent aussi semer l’anarchie et exposer aux réseaux sociaux des victimes déjà fragilisées par les conséquences néfastes de ce drame. Il faut respecter l’intimité et l’orgueil de ces personnes d’abord et ne pas s’acharner, en tant que psy, à offrir des soins psychologiques à une population qui ne le demande pas, surtout en dehors d’une structure bien hiérarchisée de soins. Il ne faut pas oublier que l’être humain est doté de mécanismes de défense et de capacités de résilience qui l’aident à se protéger psychologiquement sous le choc en priorisant les fonctions urgentes de survie. Et aller directement demander à chacune des victimes, comme un micro-trottoir, si elle présente des signes de malaise psychologique, sans organisation de soins, n’est pas la meilleure approche.

Quelles mesures à prendre pour que l’accompagnement de ces enfants porte ses fruits ?
Maintenant sous le choc, ils impressionnent toute la nation par leur bravoure, leur courage et leur zèle face à cette tragédie. Tout le monde cherche quoi leur offrir sous le coup de l’émotion pour les aider. Mais les prendre en charge est un travail de longue haleine, loin des sentiments quoique d’intention bienveillante et de l’empathie. Cela demande de vraies structures de soins de proximité qui ne s’appuient pas seulement sur le bénévolat. Des cellules d’écoute proches des zones touchées, rassemblant psychiatres, pédopsychiatres, psychologues, intervenants et coordinateurs sociaux. Pour certains, on aura besoin de médicaments, pour d’autres des séances de psychothérapie, et pour la plupart on doit s’assurer d’une bonne réintégration au sein des familles et dans les écoles.

Quelles sont les personnes qualifiées pour garantir un accompagnement authentique de ces enfants ?
Parlons plutôt de structures. Même si on est honnête, empathique et authentique, si les efforts ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une structure de soins bien organisée et hiérarchisée, ils risquent fort de déraper.
Et nous avons vu de nos propres yeux des initiatives improvisées qui ont plutôt compliqué la situation plutôt que d’apporter une aide réelle aux victimes.

 

 

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