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Entretien avec Rachid Boufous, écrivain et architecte-urbaniste : Nous devons non seulement être fiers de notre histoire, mais tout faire pour la promouvoir

© D.R

Après son roman intitulé «Chroniques du Détroit», l’écrivain Rachid Boufous sort un nouvel ouvrage. Ce nouveau livre baptisé «Petites et Grandes Histoires du Maroc» propose de remonter le temps pour découvrir des histoires fascinantes sur les grands personnages de l’histoire tout en mettant en lumière des lieux emblématiques du patrimoine marocain. Le premier tome de cet ouvrage retrace à travers plus d’une vingtaine de récits palpitants diverses histoires comme «le Culte des sept saints de Marrakech», «Kharboucha une poétesse rebelle», «Sayyida Al Horra Reine de Tétouan», ou encore «le voyage de Moses Montefiore au Maroc». Rachid Boufous nous en dit davantage sur son nouveau livre dans cet entretien qu’il a accordé à ALM.

ALM : Pouvez-vous nous donner un petit aperçu sur votre nouvel ouvrage?

Rachid Boufous : Cet ouvrage comporte une vingtaine d’histoires d’hommes, de femmes et de lieux qui ont contribué à forger la civilisation marocaine multiséculaire. C’est un ouvrage qui se compose en 2 tomes subventionnés par le ministère de la culture. Le premier tome vient de paraître. C’est voulu comme une introduction à l’histoire du Maroc, racontée autrement, afin d’attirer l’attention des jeunes et moins jeunes qui désirent connaître cette histoire, sans tomber dans l’académisme des ouvrages des grands historiens.

Après un roman sur la ville du détroit vous avez choisi d’écrire sur les histoires petites et grandes du Maroc. Qu’est-ce qui vous pousse à explorer le passé du Royaume ?

D’abord mon désir de transmettre ce que j’ai découvert, appris et lu dans les livres d’histoire sur le Maroc. D’autre part, en tant qu’architecte-urbaniste, je suis toujours émerveillé par le legs de nos ancêtres en termes de monuments, de lieux ou de civilisation. Je me suis alors dit que les hommes et femmes qui nous ont laissé cet immense héritage devaient être sans doute des gens extraordinaires, dont il était plus que nécessaire de raconter la vie, les péripéties ou les aventures. Nous devons non seulement être fiers de notre histoire, mais tout faire pour la faire connaître aux Marocains, aux générations futures et au monde entier. Je dis souvent que les touristes ne visitent pas le Maroc pour son soleil et ses plages, mais pour rencontrer le Marocain et la Marocaine, ces êtres humains «archéologiques», qui demeurent si attachés à leur culture, leurs mœurs et leur civilisation depuis des centaines d’années.

Si vous aviez à choisir trois histoires incontournables à connaître et que le lecteur trouvera dans ce premier tome, ça seraient lesquelles ? Et pourquoi ?

Les 23 histoires de ce premier tome sont toutes belles, mais je choisirais celles-ci que je trouve très intéressantes :
La première est l’histoire de Soltane Tolbas ou comment la dynastie alaouite démarra réellement avec l’arrivée sur le Trône de Moulay Rachid en 1666. Ce grand Sultan aidé par les étudiants de la Qarawiyine put libérer Fès du joug d’Aron Ibn Machaal et lança une coutume qui dura 3 siècles et qui faisant que durant 1 semaine, une fois par an, le lauréat d’Al Qarawiyine devenait Sultan à Fès, avec toutes les prérogatives liées à ce titre…
La deuxième est l’histoire de Salih Ibn Tarif ou comment le fils d’un compagnon de Tarik Ibn Zyad fonda le Royaume de Tamesna et la dynastie des Bereghouata, qui dura 350 ans à partir de la seconde révolte berbère en 744. Ce royaume s’étendait des rives de l’Oued Bouregreg à celles de Oum Errabii avec comme capitale Anfa (actuelle Casablanca). Tarif créa sa propre religion, inspirée de l’Islam, et rédigea un coran religion berbère comportant 86 sourates… C’est une histoire ignorée à l’école pour des raisons que l’on peut comprendre, mais qu’il faut connaître tout de même puisqu’il s’agit du second royaume ayant le plus duré au Maroc.
La troisième est l’histoire du Culte des sept saints de Marrakech ou comment le grand Sultan Moulay Ismail, voulant contrer l’influence grandissante de la confrérie des Regraga, mit sur pied un pèlerinage à Marrakech, qui est toujours aussi vivace et qui nous renseigne sur l’attachement des Marocains, musulmans ou juifs à leurs saints…

Maintenant, quelles sont les histoires les plus fascinantes et surprenantes que vous avez découvertes dans vos recherches pour écrire ce livre ?

J’ai surtout découvert que l’histoire du Maroc est unique. Elle a été forgée par tous les humains qui ont foulé cette belle terre marocaine. C’est un véritable vivre-ensemble basé sur la tolérance et l’acceptation de l’autre, à l’heure où ces notions connaissent des tensions futiles et inutiles un peu partout à travers le monde. Le Maroc peut donner des leçons dans ce sens à tous les humains qui doutent que cela puisse exister. Une terre qui a porté Maimonide et Averroès au même moment ou Ibn Batouta, Ibn Khaldoun et Ibn Al Khatib à la même période ne peut être que féconde en histoires extraordinaires et uniques. La plus fascinante de ces histoires est certainement celle de ces Européens, dont le célèbre mathématicien Fibonacci, dont le père commerçait avec le Maroc et qui fit entrer et propager les chiffres, dits arabes, en Europe. Fibonacci les avait découverts au Maroc, y compris le chiffre 0, dont ils ont compris vite l’importance vitale pour résoudre des problèmes inhérents au calcul simple des commerçants européens qui utilisaient au Moyen-âge les chiffres romains…

Quels sont les lieux et les personnages historiques du Maroc que la nouvelle génération devrait absolument connaître ?

Les jeunes générations, malheureusement ne connaissent pas très bien la riche histoire de leur pays. Cela revient à un déficit en matière d’enseignement de cette histoire à l’école. Mais s’ils venaient à découvrir l’épopée de Youssef Ibn Tachfine, de Zaynab Nafzaouiya, d’Aicha Al Horra, de Moulay Ismail, de Salih Ibn Tarif, du Mahdi Ibn Toumert, de la reine Touda ou de Tarik Ibn Ziyad, ils comprendraient beaucoup de choses sur ce qui fait la grandeur de la civilisation marocaine, même si les personnages que j’ai cités ne représentent qu’une infime partie des hommes et des femmes qui ont construit le Maroc, dans sa diversité et sa grandeur.

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