Culture

Supermarchés contre petits commerces

© D.R

César a baptisé nos kissarias. Souhaitant ordonner le monde barbare, l’Empereur romain a encouragé la création d’espaces, géométriquement organisés, où se tiennent des corporations d’artisans et de commerçants. C’est la “kissaria“ dont le nom dérive de “kaïssar“ : César. Ce lieu a survécu au Maroc pendant 2000 ans en respectant l’esprit fondateur des premiers négoces. C’est ce que nous apprend l’architecte Amine Cheddadi dans un texte délicieux. Son article se trouve dans le dernier numéro de la revue bimestrielle “Architecture du Maroc“. Un numéro qui traite de la confrontation entre les espaces commerciaux traditionnels et le récent foisonnement des grandes surfaces. L’éditorialiste de la revue prend une position claire sur le sujet. Selma Zerhouni tire en effet la sonnette d’alarme sur l’espace commercial traditionnel “en voie de disparition“. Les nouveaux “temples de la consommation“ mettent en péril les “petites échoppes qu’on cherche au détour d’un derb ou d’une driba de la médina“. La position tranchée de l’éditorialiste ne signifie pas que la revue se ferme aux supermarchés, hypermarchés et autres superlatifs qui décrivent le gigantisme des espaces de vente. Bien au contraire, le but de cette publication semble moins de s’opposer aux nouveaux centres commerciaux que d’accompagner leur accroissement par une réflexion architecturale. De bons points sont distribués aux auteurs de supermarchés qui étonnent par leur configuration. Le “Marjane“ de Marrakech a valu des éloges à l’architecte Omar Essakalli. Tandis que le surprenant “Label Vie“ de la route de Zaërs de Rabat prouve que la vigueur conceptuelle de Mourad Ben Embarek est intacte. Il a dessiné un bâtiment triangulaire qui impose sa modernité. Ben Embarek en parle dans ces termes : “Je ne veux plus être prisonnier de l’usine, je veux redevenir un sculpteur“. Il suffit de regarder son bâtiment pour se convaincre qu’il a parfaitement réussi son pari. Cela dit, on peut toutefois regretter que les responsables de la revue n’aient pas pensé à étoffer leur dossier par des interventions relatives aux comportements des Marocains dans les grandes surfaces. Des sociologues auraient pu nous éclairer sur les changements dans leurs habitudes. Un client qui fait ses courses à “Acima“ ou “Marjane“ ne se conduit pas de la même façon qu’un autre qui se rend au marché du quartier. Alors que l’un n’a comme vis-à-vis que les étalages de produits et en fin de parcours un bonjour aléatoire d’une caissière, l’autre investit durant son marché des pratiques de convivialité et d’échanges verbaux. Cette petite réserve n’enlève toutefois rien à la qualité d’“Architecture du Maroc“, une revue qui trace tranquillement son chemin et qui commence déjà à compter dans le champ éditorial marocain.

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