Chroniques

Label marocanité : Débat ou trépas ?

Si cette émission est plébiscitée par les arabes, c’est qu’elle doit leur ressembler un peu. De la discorde, elle a fait une ligne éditoriale; de la polémique, une ligne de conduite et de l’invective, un mode d’expression. A dire vrai, cette émission n’est pas celle du débat. Elle est plutôt l’expression la plus désarmante et la personnification la plus criante de la démission de l’esprit même de ce que peut ou doit être le débat. En effet, cette émission cultive et aiguise les instincts plus qu’elle ne nourrit l’esprit. Ce n’est pas un plateau télé, c’est le Colisée au temps des gladiateurs. Il n’y s’agit pas de confrontation «de l’opinion et de l’opinion contraire». Il y s’agit de la mise à mort sous les hourras et l’ovation des opinions qui, avec leurs regards globuleux, exultent à la vue de l’estocade. Rien n’éloigne plus cette émission de l’esprit que la fureur, la passion et l’odeur de cendre qu’elle répand. En fait, si son succès est incontestable, les raisons de celui-ci restent à établir. Il doit au minimum reposer sur une illusion et probablement fonctionner sur un fond d’escroquerie : Celle d’incarner la liberté d’expression arabe. L’aphone est donc roi dans le pays des muets. Cette émission constitue un îlot de parole dans un océan de mutisme.
De ce point de vue, elle remplit son rôle premier en tant que média. Mais elle remplit aussi une fonction thérapeutique Elle donne ainsi, à des peuples avides de liberté d’expression, des doses de liberté de parole, comme d’autres donneraient à des toxicomanes en manque, des doses de Subutex ou de la Méthadone. Un substitut, cela soulage. Il ne peut ni traiter ni soigner. Enfin, la recette de l’émission ne peut fonctionner sans certains ingrédients. L’idée principale, c’est que loin d’éclairer, il s’agit d’abord de créer de la tension. À l’exemple du débat consacré à l’IER, la recherche de la tension était presque caricaturale. Mon ami Chaouki Benyoub va se retrouver sur le plateau avec un contradicteur algérien, ancien porte-parole officiel du FIS. Ce n’est pas simplement du mauvais goût, c’est un film d’horreur. L’Algérien va être d’une virulence lyrique comme seule la langue arabe peut en receler. Et avec du culot. L’ex-responsable du FIS a éludé son implication, d’une manière ou d’une autre, dans un carnage d’une rare cruauté, faisant 220.000 victimes. Ce carnage a été amnistié par une pirouette référendaire. Ce monsieur, parce qu’il s’est rasé la barbe, va, avec une indécence cynique, tenter de faire la leçon à l’expérience marocaine. Un hôpital psychiatrique qui raille un dispensaire de campagne, c’est costaud non !… Le plus désolant, c’est que deux hebdos casablancais ont fait leur miel éditorial de cette émission. Chacun à sa manière, avec un halo de jubilation, a considéré le débat comme légitimement préjudiciable au Maroc. Je connaissais le parisianisme. Je discerne intuitivement ce que dorénavant je qualifierai de casablanquisme… Et que Blanqui me pardonne.

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