Le mot Pluriel a conquis ses lettres de noblesse, mieux il est devenu un concept et tous ceux qui, de nos jours, veulent décrire notre société, veulent expliquer notre identité ou mener le combat contre le racisme, l’utilisent avec beaucoup de conviction.
En 2009 lorsqu’avec quelques amis, aux idées partagées, tels Younes Boumehdi, Hassan Harrat, Driss Jaydane… nous avons eu l’idée de créer une association dédiée à 2 objectifs principaux :
– L’émergence de la jeunesse
Et
– Le vivre-ensemble
Nous avons longuement réfléchi à une dénomination qui sorte de l’ordinaire et qui reflète instantanément notre identité et notre philosophie. J’avoue que le nom de Marocains Pluriels m’est spontanément venu à l’esprit et m’a semblé être celui qui pouvait le mieux révéler notre état d’esprit.
Si tous ensemble nous l’avons adopté d’emblée, j’avoue que le faire comprendre à l’extérieur a été plus difficile.
Tout d’abord auprès de l’Administration où lors du dépôt de nos statuts il nous a fallu donner l’équivalent en arabe, chose ardue puisque chacun de nous donnait une traduction différente, puis il a fallu expliquer ce mot «pluriel» à la population à laquelle il était destiné et à la presse.
«Pluriel» n’était pas du tout un mot employé, un mot connu à ce moment-là et l’explication la plus simple que nous trouvions alors et que nous accompagnions d’un geste des mains était «tous ensemble» «mjmou3in»…
Que dire des termes «Ftour Pluriel» que nous avons lancé dans la foulée, dénomination donnée à notre événement de repas de rupture du jeûne partagé entre musulmans, juifs et chrétiens…
Ce fameux mot «Pluriel» là encore mais aussi «Ftour» dont il nous fallait sans cesse justifier l’emploi ! En effet pourquoi ne pas employer le mot lftar, et nous à chaque fois d’expliquer que nous tenions à ce mot, populaire, courant et issu de notre darija national.
Nous étions donc au tout début de l’utilisation du mot Pluriel et il n’avait pas encore fait sa place, loin de là. À ce moment-là deux personnes y ont cru et m’ont encouragé, tant dans la création de l’association que de l’organisation du Ftour Pluriel qui en est aujourd’hui à sa 15 ème année, il s’agit de Madame Rita Zniber – figure emblématique de la société civile – et de Monsieur André Azoulay – conseiller de SM le Roi – eux seuls ont compris toute la portée de ce mot et ce qu’il représentait.
Au fil du temps et au fur et à mesure de nos activités, de nos actions de terrain et de nos événements, le mot Pluriel a fait son chemin et a commencé à apparaître dans les médias, ce qui l’a popularisé.
Des journalistes ont donc commencé à l’utiliser, des intellectuels, des leaders associatifs, des faiseurs d’opinion l’ont relayé… nous n’étions plus l’objet de demandes d’explications et le mot est petit à petit entré dans le langage usuel.
Aujourd’hui en 2025, qu’en est-il ?
Eh bien le mot Pluriel a conquis ses lettres de noblesse, mieux il est devenu un concept et tous ceux qui, de nos jours, veulent décrire notre société, veulent expliquer notre identité ou mener le combat contre le racisme, l’utilisent avec beaucoup de conviction.
«Le Maroc est pluriel» est devenu la phrase qui revient le plus souvent pour nous dépeindre.
Quelque part l’histoire de ce mot décrit non seulement le parcours de notre perception de notre Nation, mais montre également que lorsque le bon mot est utilisé, lancé au bon moment, c’est-à-dire au moment où la description d’un état de fait cherche à coller à la réalité, alors il devient célèbre mais en même temps tombe dans le domaine public. C’est ce qui est arrivé au mot Pluriel, d’une utilisation peu ou mal comprise jusqu’à son acceptation par le plus grand nombre, c’est toute l’histoire de ce si beau mot que j’ai voulu vous raconter.
J’avoue que lorsque je me penche sur la route parcourue par ce mot en une dizaine d’années, j’y vois aussi le chemin accompli dans la perception par nous-mêmes de notre Nation… Et j’en ressens une certaine fierté.
Ce mot j’ai voulu lui donner une sorte de consécration – modeste bien sûr – car je suis avant tout acteur associatif et culturel, mais consécration d’auteur tout de même, en baptisant mon nouveau livre «Maroc Pluriel, si singulier», hommage à toutes celles et tous ceux qui font vivre concrètement ce mot et donnent tout son sens et toute sa valeur à ce concept.