Le rapport «2025 High-End Independent Talent Report» de Business Talent Group (BTG) l’atteste. «1,4 professionnel sur 4 aux États-Unis travaille désormais en indépendant et que près de 60 % des grandes entreprises ont intégré ce modèle dans leur fonctionnement». Auparavant marginal, le phénomène représente aujourd’hui une vraie lame de fond dans les secteurs tech, finance, industrie… L’évolution dans les entreprises marocaines et africaines est identique. Les freelances hautement qualifiés et du management de transition comme leviers agiles et stratégiques sont de plus en plus nombreux et impliqués dans la croissance économique. Siham Sentissi qui dirige BlueBirds Maroc, un cabinet s’appuyant sur plus de 5.000 indépendants hautement qualifiés en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe, nous apporte son éclairage sur cette tendance.
Propos recueillis par Dounia Essabban
ALM : Le travail indépendant de haut niveau est en plein essor dans le monde. Quels constats récents confirment cette dynamique ?
Siham Sentissi : Le monde du travail évolue profondément. Aujourd’hui, les entreprises recherchent davantage de flexibilité, d’expertise immédiate et d’innovation. Dans ce contexte, le recours aux indépendants qualifiés et au management de transition devient une véritable stratégie RH, bien au-delà des solutions temporaires ou exceptionnelles.
Deux études récentes soulignent cette dynamique. Le rapport « 2025 High-End Independent Talent Report » de Business Talent Group (BTG) révèle que 57 % des entreprises américaines et européennes ont déjà recours à des talents indépendants pour des projets stratégiques. Ce chiffre grimpe même à 80 % pour les entreprises engagées dans des transformations majeures.
En parallèle, «The Future Workforce Index 2025» publié par Upwork montre que près de 40% des travailleurs américains sont aujourd’hui freelances. Plus révélateur encore : 51 % des entreprises prévoient d’augmenter leur recours à ces talents indépendants dans les deux prochaines années. Notamment parce que les freelances, dans le conseil, la tech et la finance, adoptent massivement l’intelligence artificielle, en avance sur leurs homologues salariés.
Quelles tendances spécifiques observez-vous en Afrique, notamment en matière de talents indépendants et de management de transition ?
En Afrique, une dynamique similaire se dessine. On observe un retour massif des talents de la diaspora africaine, particulièrement qualifiés, séduits par le dynamisme local et ses opportunités entrepreneuriales. Chez BlueBirds, nous constatons directement cette tendance. Un indépendant marocain sur cinq référencés sur notre plateforme revient s’installer après un long parcours à l’étranger. Le freelancing devient pour eux une solution souple pour tester le marché africain, de réadapter leur expertise et, surtout, de participer à des projets à fort impact moins disponibles dans les économies occidentales plus stagnantes. Par ailleurs, le management de transition, historiquement dominé par des profils expatriés en direction de filiales africaines, se localise désormais. De plus en plus d’entreprises africaines nous sollicitent explicitement pour identifier des talents locaux capables d’occuper des rôles transitoires clés.
Qu’en est-il du marché marocain ? Comment évolue-t-il sur ces sujets ?
Si aucun chiffre officiel n’existe encore sur l’ampleur réelle du freelancing premium au Maroc, chez BlueBirds, en tant que précurseur et leader sur ce segment, nous avons observé une croissance de plus de 54 % sur les 18 derniers mois. Les entreprises marocaines, particulièrement dans l’industrie et le retail, font de plus en plus appel à des indépendants pour piloter des projets complexes ou gérer des transitions importantes.
Cependant, plusieurs freins persistent : absence d’un cadre juridique et fiscal approprié, une culture d’entreprise encore «CDI-centric», une faible reconnaissance de la valeur des prestations intellectuelles et une méconnaissance du modèle.
Quels leviers actionner pour mieux sécuriser et valoriser le travail indépendant au Maroc ?
Trois leviers principaux sont à activer pour valoriser le freelancing premium au Maroc. D’abord, créer un statut juridique spécifique pour les freelances qualifiés, leur assurant protection sociale, accès à la formation et reconnaissance. Ensuite, structurer une communauté d’indépendants en favorisant le mentorat et le réseautage pour renforcer leur visibilité. Enfin, encourager les entreprises à adopter des politiques claires pour mieux anticiper et sécuriser le recours à ces talents. C’est dans cette optique que nous travaillons actuellement sur une charte éthique destinée à cadrer et clarifier les relations freelance-entreprise au Maroc.
Quelles sont les principales missions que vous accompagnez actuellement au Maroc ?
BlueBirds accompagne des groupes marocains et internationaux dans des missions variées. Dans le domaine stratégique, nous intervenons sur des business plans, du strategic planning, ou encore des études d’opportunités dans des secteurs émergents comme historiques.
Sur les enjeux de transformation, nos missions couvrent la refonte d’operating models, l’accompagnement post-acquisition, la gestion de crises managériales ou le pilotage stratégique. Concernant les sujets ESG et impact, même si les missions sont encore limitées, nous notons une augmentation des demandes pour structurer ces initiatives en termes de gouvernance, de reporting et d’intégration stratégique. Toutes ces missions sont portées par des indépendants hautement qualifiés, souvent passés par de grands groupes ou cabinets.
Constatez-vous une évolution du recours aux indépendants au sein des entreprises marocaines ?
Oui, clairement. En 2020, le recours à des freelances était marginal dans les grands groupes marocains. En 2025, c’est devenu une pratique appréciée, notamment en situation d’urgence, de forte croissance ou de transition stratégique. La conjoncture économique actuelle, les tensions sur le marché du recrutement traditionnel et le désir d’autonomie des talents seniors expliquent en grande partie cette évolution rapide.
Le mot de la fin peut-être…
Le Maroc possède tous les atouts pour devenir un véritable hub régional des talents indépendants hautement qualifiés. Pour y parvenir, un cadre institutionnel adapté, un changement de mentalités et une meilleure reconnaissance du freelancing comme choix stratégique s’imposent. Pour soutenir cette dynamique, BlueBirds annonce le lancement prochain d’un Observatoire du freelancing premium au Maroc. Cet observatoire aura pour mission d’offrir une meilleure visibilité sur les tendances et d’accompagner les entreprises dans leur adoption de ces nouvelles modalités de travail. Chez BlueBirds, nous croyons que le conseil peut se faire autrement : plus humain et plus incarné. Et nous sommes fiers de porter cette vision depuis Casablanca.













