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Chronique: Vers une nouvelle géographie politique au Proche-Orient ?

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Après la cessation des hostilités et le cessez-le-feu voulu par tout le monde, la géographie politique de la région aura une autre physionomie, celle d’un Iran encore debout mais profondément affaibli.

L’implication américaine dans la guerre entre Israël et l’Iran à travers le bombardement des principaux sites nucléaires de la République islamique a créé cette impression qu’une nouvelle géographie politique est en train de s’écrire. Dans cette nouvelle configuration, le régime iranien ressemble à ce fauve à l’allure méchante mais à la réalité édentée par tant de frappes et tant de pressions.
Cette situation n’est pas le fruit d’une accélération immédiate et instantanée. Elle est le résultat d’un processus qui avait trouvé son tournant cardinal lorsqu’Israël avait décapité la tête du Hezbollah, présenté par la machine de guerre et d’influence iranienne comme sa tête de pont et son bras armé dans la région et bien au-delà.
La manière avec laquelle Israël avait anesthésié le Hezbollah en disait long à la fois sur sa détermination à s’attaquer à l’arsenal politique et militaire de l’Iran et ses capacités à infiltrer ses ennemis. Le choc fut très dur pour Téhéran, est dont le régime, à l’exception des rodomontades habituelles paralysée par la peur de s’engager dans la guerre.
Il a fallu qu’Israël décapite la tête de ses institutions militaires et de son programme nucléaire pour qu’il puisse réagir et lancer ses attaques contre certaines villes israéliennes. Pour les trois partenaires de cette guerre, Israël, l’Iran et l’Amérique de Trump, chacun clame une forme de victoire.

Benjamin Nethanyahou peut se vanter d’avoir porté un coup fatal au programme nucléaire iranien et aux capacités de ce régime à produire dans une avenir proche une bombe nucléaire. Le régime iranien peut se targuer d’avoir été le premier à bombarder des villes israéliennes et introduire la peur et l’angoisse chez le citoyen israélien habitué à vivre dans la paix malgré les nombreuses guerres qui l’entourent depuis des décennies. Et Donald Trump qui peut se vanter d’avoir plié avec ses lourdes frappes les velléités iraniennes de poursuivre son dangereux programme nucléaire.
Il est vrai que le régime iranien avait répondu en s’attaquant à la base militaire américaine au Qatar, mais cela s’était fait avec de telles précautions pour ne pas provoquer des morts américains. Le monde entier avait compris la démarche iranienne, comme celle de menacer de fermer le détroit d’Ormuz, vital pour le commerce international, comme une simple façon de sauver la face auprès de son opinion interne et ses fidèles dans le région.

Après la cessation des hostilités et le cessez-le-feu voulu par tout le monde, la géographie politique de la région aura une autre physionomie, celle d’un Iran encore debout mais profondément affaibli. Le silence des bombes donnera à n’en pas douter une possibilité pour la diplomatie. Les Européens vont se saisir de cette opportunité pour relancer leurs médiations entre Iraniens et Israéliens. Avec cette position médiane avec laquelle il va falloir convaincre les extrémistes des deux camps. Non absolu à l’arme nucléaire iranienne. Non angoissé au changement de régime à Téhéran. Les deux tristes exemples de l’Irak de 2003 et de la Libye de 2011 sont encore frais dans les mémoires avec leurs désastreuses conséquences sécuritaires sur l’ensemble de la région.
Cette médiation européenne se déroulera sur plusieurs points. D’abord arracher au régime iranien la promesse ferme et vérifiable qu’il va renoncer à son programme nucléaire en échange d’une normalisation progressive de ses relations avec son environnement régional et international. Ce qui inclut que la politique du «Régime change» voulu par le Premier ministre Nethanyahou comme garantie suprême du désarmement de l’Iran sera jetée aux oubliettes. Il s’agit de freiner les ardeurs guerrières des uns et des autres avec de solides garanties susceptibles de baisser la tension et de créer un halo de confiance.

Si demain le cessez-le-feu tient ses promesses entre Israéliens et Iraniens avec la bénédiction des Américains et la médiation des Européens, la conséquence politique sur la région sera immense. Par une forme de sourd ricochet, la guerre que mène Israël contre les palestiniens de Gaza, devenue au fil des mois une guerre nihiliste destinée simplement à assouvir les égos de quelques personnalités de l’extrême droite israélienne, sera au cœur de la préoccupation mondiale. Conséquence, la pression sera telle que l’arrêt de cette guerre et la recherche d’une solution entre Israéliens et Palestiniens sera la grande urgence de la diplomatie mondiale.

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