Chroniques

CAN féminine 2025 au Maroc ? Que retenir ?

Sophia El Khensae Bentamy | Consultante, coach et enseignante en techniques de communication, coach en psychologie positive et en thérapie par le rire.

Mieux communiquer, mieux vivre…

Une ère nouvelle
Au-delà du score, c’est une société qui évolue. Un pays qui apprend à applaudir ses filles autant que ses fils. Une jeunesse qui ose, qui lutte, qui perd parfois mais qui continue d’y croire.

Il y a des événements qui marquent, qui dépassent le cadre du sport, et qui racontent une société en mouvement. La CAN féminine 2025, organisée au Maroc, en fait partie. Une compétition attendue, un rendez-vous sportif d’envergure, mais surtout une manifestation populaire qui a réuni des milliers de Marocaines et de Marocains, dans les gradins, dans les foyers, sur les réseaux, autour d’une équipe nationale féminine qui suscite désormais respect, passion et fierté.
Car oui, il faut le souligner d’emblée : le football féminin marocain est en pleine ascension. En quelques années, les Lionnes de l’Atlas ont réussi à inverser bien des pronostics. Participation historique à la dernière Coupe du monde, deux finales de CAN consécutives, des joueuses désormais connues, suivies, encouragées. Le public ne s’y est pas trompé : les stades commencent à se remplir, les voix s’élèvent, les drapeaux se lèvent, et les supporters ne sont plus seulement des hommes. On y voit des femmes, des enfants, des familles entières.
C’est peut-être cela le plus grand message de cette édition 2025 : le football féminin comme espace de lien, de rassemblement, de vivre-ensemble. Dans les tribunes de Rabat et d’ailleurs, on a croisé des femmes, des jeunes en maillots, des mères et leurs filles, des pères et leurs fils, des familles, parfois des grands-parents aussi. On y a entendu des chants, vu des larmes, partagé des émotions. On a vibré à l’unisson, comme une seule équipe nationale. Un peuple rassemblé autour de ses athlètes féminines. Cela en dit long sur le chemin parcouru.
Mais comme tout moment de fête, la CAN féminine a aussi révélé ses paradoxes. Quelques couacs d’organisation ont été signalés ici et là. Des spectateurs ayant acheté des billets en ligne, convaincus d’assister à une rencontre unique, ont découvert à leur arrivée que l’entrée était finalement gratuite… mais que le stade était « plein ». D’autres encore, après avoir garé leur voiture loin faute de parking officiel, ont marché plus de 30 minutes pour rejoindre le stade. Un effort louable, certes, mais qui interroge sur l’accessibilité et la logistique de nos événements sportifs à grande échelle.
Et puis il y a ces petits détails qui n’en sont peut-être pas. Ces enfants qui marchent sur les sièges, chaussures aux pieds. Ce n’est qu’un geste, anodin diront certains. Et pourtant. Ce petit pas d’enfant est aussi, symboliquement, un pied sur le respect du bien commun. Le civisme ne s’apprend pas dans les grands discours. Il se transmet par l’exemple, par l’attention à l’autre, par cette conscience simple : un siège est fait pour s’asseoir, et demain, un autre spectateur s’y posera.
Mais revenons au jeu.
Cette finale Maroc – Nigeria restera longtemps dans les mémoires. Une première mi-temps impressionnante de maîtrise pour les Marocaines : deux buts à zéro, un pressing bien mené, une dynamique collective remarquable. Et puis, en seconde période, tout bascule. Un penalty accordé aux Nigérianes, puis une égalisation rapide, un penalty refusé à notre équipe nationale et une remontée spectaculaire jusqu’à un troisième but. Score final : 3-2. Douleur. Incompréhension. Et une question qui trotte dans bien des esprits : que s’est-il passé ?
Manque de lucidité ? Énergie mal gérée ? Changements tactiques tardifs ? Pression psychologique ? Trop tôt, trop vite, la victoire semblait acquise. On a senti l’espoir s’inverser, l’élan se figer, la fatigue s’installer. Est-ce cela, le prix de l’expérience ? Est-ce cela, cette fameuse «culture de la gagne» que les Nigérianes, détentrices de dix CAN, ont su maîtriser?
Sans doute. Et c’est là qu’intervient toute la force du mental, du coaching invisible : celui qui fait tenir debout une équipe quand les jambes flanchent, celui qui rappelle que le match n’est jamais terminé tant que l’arbitre n’a pas sifflé. Peut-être aurait-il fallu oser plus tôt des changements, casser le rythme adverse, réinjecter de la fraîcheur sur le terrain. Mais ce sont là des hypothèses, vues depuis les gradins ou les écrans. Ce qui est sûr, c’est que les Marocaines n’ont pas démérité. Loin de là. Il faut aussi saluer la Fédération, les coachs, les bénévoles, les organisateurs, les soigneurs, les journalistes, les supporters. Ce que nous avons vu, vécu, soutenu, c’est le fruit de leur travail. Et si la défaite est amère, elle n’efface en rien les progrès réalisés.
Le football marocain, féminin comme masculin, entre dans une ère nouvelle. Nos équipes deviennent des modèles, nos joueurs et joueuses des sources d’inspiration. L’image du Maroc à l’international est aujourd’hui portée aussi par ses sportives, ses athlètes, ses jeunes talents qui osent rêver grand.
Alors, que retenir ?
Qu’au-delà du score, c’est une société qui évolue. Un pays qui apprend à applaudir ses filles autant que ses fils. Une jeunesse qui ose, qui lutte, qui perd parfois mais qui continue d’y croire. Qu’il y a encore des choses à améliorer, des gradins à protéger, des billets à clarifier, des parkings à prévoir. Mais surtout, qu’il y a un élan à préserver.
Et si ce match a révélé une chose, c’est bien cela : le football féminin marocain est désormais un acteur central du vivre-ensemble, du respect et de la fierté nationale. Et ça, ce n’est que le début.

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