SociétéUneVidéos

Symposium sur la diplomatie sanitaire mondiale : Un modèle africain de gouvernance sanitaire en gestation

Chafik Arich

Réduction des risques.
Le Symposium sur la diplomatie sanitaire mondiale, qui s’est tenu à Casablanca, les 4 et 5 septembre, a posé les bases d’un modèle africain de gouvernance sanitaire, capable d’inspirer le monde. La transition épidémiologique vers les maladies chroniques, les inégalités d’accès aux soins, l’effondrement de l’aide internationale, la coopération Sud-Sud étaient au centre des débats.

Le Symposium sur la diplomatie sanitaire mondiale s’est ouvert, jeudi à Casablanca, sous le thème «De la crise à la prise en charge médicale : ce que le manuel de la santé publique de l’Afrique peut enseigner au monde». Cette rencontre internationale de haut niveau a posé les bases d’un modèle africain de gouvernance sanitaire, capable d’inspirer le monde. En ouverture, Dr. Imane Kendili, psychiatre et présidente d’African Global Health, a souligné que la santé dépasse la seule lutte contre les maladies. Elle a inscrit la diplomatie sanitaire dans une vision beaucoup plus large, embrassant l’éducation, la culture, le financement, la sécurité alimentaire, la crise de l’eau et même le changement climatique. Elle a déclaré : «Nous devons utiliser la diplomatie sanitaire comme un levier pour marcher ensemble, patienter ensemble et grandir ensemble, pas seulement en Afrique mais aussi dans le Sud global, en lien avec le Nord». Pour sa part, Ana C. Rold, fondatrice du Diplomatic Courier, a souligné que l’Afrique est en train de dessiner un modèle inédit de gouvernance, un modèle fondé sur le soin et la dignité plus que sur le contrôle et le dogme. Elle a replacé cette réflexion dans le cadre de son think tank World in 2050, qui analyse les grandes tendances à venir: la santé et le bien-être, qu’elle définit comme la résilience et l’équité des systèmes, et la gouvernance, qui doit regagner la confiance des citoyens. «Nous sommes ici, a-t-elle déclaré, pour écouter, pour apprendre. Ce n’est pas seulement une question de santé publique, c’est une question de leadership».
Le premier panel de ce symposium a été ouvert par Pr. Morgan Chetty, président de la Coalition des médecins pour la santé de KwaZulu-Natal en Afrique du Sud, qui a affirmé que «l’Afrique concentre 25 % du fardeau mondial des maladies, mais dispose de moins de 3 % des professionnels de santé, tout en ne consacrant que 1,3 % du PIB global de la santé à sa population». Cet expert a plaidé pour des partenariats stratégiques, une gouvernance adaptée et le développement de la production locale de vaccins, avec un objectif de 60 % de besoins couverts d’ici 2040. De son côté, le cardiologue britannique Dr. John Deanfield a déclaré: «Nous ne pouvons pas seulement mieux traiter les maladies: il faut agir en amont», en insistant sur le rôle fondamental de la prévention et de la réduction des risques. L’oncologue britannique Pr. Peter Harper a signalé que la réduction des risques consiste à «accepter que les comportements existent, mais chercher à en diminuer les conséquences ». Il a insisté sur la responsabilité des pays du Sud, et particulièrement du Maroc, qui, selon lui, «a la possibilité et le devoir de jouer un rôle de leader» dans cette approche pragmatique.
Lors du second panel sur la coopération Sud-Sud dans la pratique, l’oncologue David Khayat a mis l’accent sur l’épidémie silencieuse des maladies chroniques, «Aujourd’hui, 74 % des décès en Afrique sont dus aux maladies chroniques, et non plus infectieuses comme il y a 25 ans. Le cancer double tous les 20 ans. Dans 25 ans, 75 % des décès par cancer concerneront les pays les plus pauvres, qui ne représentent que 5 % de la richesse mondiale», a-t-il affirmé. Le Professeur Mohamed Elteriaky, responsable des partenariats et de l’engagement stratégique de la région MENA (Africa CDC), a alerté sur la chute dramatique des financements internationaux.
Conséquence : deux millions de personnes sont privées de traitement contre le VIH, un million de patients tuberculeux sont sans vaccin, et 250.000 malades du paludisme n’ont pas accès aux soins. Une crise silencieuse qui, selon lui, impose de réinventer les modèles de financement et de coopération.
Enfin, Dr. Enrique Teran, Professeur à la Faculté de médecine de l’Université San Francisco de Quito, en Équateur, a présenté un exemple de réussite emblématique de coopération Sud-Sud, à savoir le vaccin contre la méningite A. Grâce à un partenariat entre seize pays africains et le Serum Institute of India, plus de 220 millions de personnes ont été vaccinées, réduisant la charge de la maladie de 60%. Innovation majeure : ce vaccin ne nécessite pas de chaîne du froid et peut se conserver jusqu’à 40°C pendant quatre jours. «C’est la preuve que le Sud peut développer des solutions adaptées à ses réalités et mener l’innovation mondiale», a-t-il souligné.