Fiscalité.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne entrera en vigueur en janvier 2026 et s’appliquera, en premier lieu, aux produits de certains secteurs. Le point.
Le compte à rebours est enclenché. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne (MACF, ou CBAM en anglais), qui s’inscrit dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, entrera en vigueur en janvier 2026. Ce mécanisme s’appliquera, en premier lieu, aux produits de certains secteurs fortement émetteurs de CO2, à savoir le fer et l’acier, l’aluminium, le ciment, les engrais azotés, l’hydrogène et l’électricité. En tant que partenaire commercial majeur de l’Union européenne, avec laquelle il réalise 62 % de ses échanges en 2023, le Maroc est directement concerné par la mise en œuvre du MACF. C’est pour cette raison que le CESE (Conseil économique, social et environnemental) a élaboré un avis sur le sujet. «A court terme, il est manifeste que l’impact de l’entrée en vigueur du MACF sur l’économie marocaine est limité. Une faible proportion des exportations marocaines vers l’UE est concernée (3,7 %), constituée en majeure partie par les engrais phosphatés. Les industriels concernés sont principalement de grands groupes, déjà engagés dans des stratégies de décarbonation ou disposant des ressources nécessaires pour s’adapter aux normes européennes», tient à rassurer d’emblée le CESE. Et de poursuivre: «Au-delà de 2026, l’UE prévoit cependant d’élargir l’application du MACF à d’autres produits, aux émissions indirectes et aux produits en aval. Cette extension pourrait graduellement toucher un volume beaucoup plus important d’exportations marocaines. Elle concernera notamment des produits qui ne relèvent pas directement du SEQE-1, mais qui subiront l’augmentation des coûts du carbone et la suppression progressive des quotas gratuits».
Riposte
Face à cette situation, le Royaume entreprend plusieurs actions. En effet, le Maroc conduit depuis plusieurs années une politique environnementale ambitieuse, articulée autour de stratégies, plans et feuilles de route visant la neutralité carbone à l’horizon 2050. Le pays s’est aussi engagé à réduire ses émissions de GES de 45,5 %, avec un objectif inconditionnel, sans aide extérieure de financement, de -18,3 % par rapport au scénario « statu quo » d’ici 2030. Ces engagements sont actuellement en cours d’actualisation. «Pour traduire ces ambitions en actions concrètes, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) constitue l’outil central de mise en œuvre. Élaborée en 2021 pour atteindre la neutralité carbone de l’économie nationale à l’horizon 2050, elle a été actualisée en 2023 pour intégrer des objectifs de décarbonation chiffrés ainsi que des études d’impact. La SNBC a consacré deux de ses quatre orientations stratégiques à l’accélération de la décarbonation des secteurs énergétique et industriel. «Dans le cadre de la SNBC, un plan sectoriel de décarbonation (PSD) pour l’industrie a été élaboré. Ce plan vise principalement à accélérer la décarbonation du tissu industriel national, qui représente environ 19% des émissions totales de GES. Il cible en premier lieu la réduction des émissions liées à la combustion des énergies fossiles, puis celles provenant des processus industriels. La SNBC prévoit également le développement, en partenariat avec les industriels, de la filière de capture, d’utilisation, de stockage et de valorisation du carbone (CCUS), considérée comme un levier essentiel pour accélérer la neutralité carbone de l’industrie», précise la même source.
Taxe carbone
Selon le CESE, la loi-cadre portant réforme fiscale publiée en 2021, prévoit dans son article 7 l’introduction d’une taxe carbone pour la préservation de l’environnement. En parallèle, le ministère de l’économie et des finances a lancé en 2024 l’étude de la mise en place d’une taxe carbone dont l’objectif principal est d’inciter les industriels à adopter des systèmes de production bas carbone, tout en préservant la compétitivité des entreprises marocaines à l’international. «Les pouvoirs publics comptent, ainsi, instaurer progressivement une taxe carbone sur les secteurs concernés par le MACF. À l’approche de l’entrée en vigueur de ce mécanisme en 2026, cette mesure fiscale permettra au Maroc de réduire l’impact du MACF sur la compétitivité de ses exportations, tout en conservant sur le territoire national les recettes générées par la taxe carbone, évitant de ce fait un transfert de capitaux à l’étranger», précise le document. Dans le cadre de la préparation à l’entrée en vigueur de la taxe carbone, l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII), en sa qualité d’autorité compétente, prévoit de renforcer les compétences de ses équipes en formant 60 agents douaniers sur les principes de la décarbonation et le calcul des émissions de GES40. Par ailleurs, l’Imanor a été désigné comme organe certificateur des émissions de GES des industriels marocains. Les entreprises paieront ainsi la taxe carbone sur la base de leurs déclarations d’émissions, qui seront, par la suite, certifiées par les services d’Imanor aux fins de tester la véracité.
Recommandations
Partant des enjeux liés à l’entrée en vigueur du MACF à partir de janvier 2026 et des consultations menées avec les acteurs concernés, le CESE considère que notre pays doit transformer cette nouvelle mesure réglementaire en une opportunité stratégique pour renforcer sa compétitivité industrielle et accélérer sa transition bas carbone. Pour ce faire, le Conseil souligne la nécessité d’adopter une démarche intégrée et coordonnée entre les différentes parties prenantes des secteurs public et privé, visant à préparer efficacement les exportateurs nationaux aux exigences du MACF, à accélérer la décarbonation des secteurs énergétique et industriel dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone, à mobiliser les financements nécessaires, à renforcer les capacités techniques et institutionnelles du pays, tout en consolidant la coopération régionale et internationale avec les partenaires commerciaux. Concrètement, il est question d’instituer un dispositif national de pilotage du MACF, rassemblant l’ensemble des institutions concernées, afin de garantir l’harmonisation des actions et la réactivité face aux évolutions futures du mécanisme. Il s’agit également de créer une cellule nationale de veille et de suivi dédiée au MACF, chargée d’accompagner prioritairement les PME en leur fournissant des informations fiables et actualisées, afin d’anticiper les évolutions du mécanisme et de renforcer leur préparation à ses exigences. Les responsables recommandent aussi de développer une stratégie nationale de tarification carbone claire et alignée sur les engagements du Maroc en matière de réduction des émissions de GES. Pour garantir l’efficacité de cette stratégie et son appropriation par l’ensemble des acteurs concernés et renforcer la coopération internationale et régionale pour soutenir la compétitivité des exportateurs marocains et l’efficacité de la transition bas carbone.
Contexte
Europe. Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) s’inscrit dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe (ou green deal), dont l’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de plus de 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990, et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Pour atteindre ces objectifs, l’Union européenne a prévu un ensemble d’actions : encourager les investissements dans les technologies respectueuses de l’environnement, améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, développer des modes de transport durables et soutenir le déploiement des énergies renouvelables. Chaque année, l’UE fixe un plafond d’émissions pour ces secteurs et le réduit progressivement dans le sens de limiter les émissions totales. Les installations les plus performantes reçoivent des quotas gratuits, basés sur leur niveau d’efficacité, pour les inciter à diminuer leurs émissions et éviter que leur production ne soit délocalisée vers des pays aux règles moins strictes, phénomène appelé « fuite de carbone ». Il est à signaler que les entreprises qui dépassent le plafond autorisé ont la possibilité d’acheter des quotas supplémentaires pour compenser leurs excédents pour ne pas avoir à s’acquitter d‘une amende de 100 euros par tonne de CO2 excédentaire. Inversement, celles qui émettent moins que le plafond peuvent vendre leur surplus de quotas aux entreprises en déficit, créant ainsi un marché d’échanges d’émissions.













