Chroniques

Alger/Tunis, le grand malaise à venir

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Equation
La perspective d’un maintien de cette discorde régionale vivace s’est brusquement éloignée. La solution définitive se dessine dans un horizon rapide. Et cette nouvelle donne a de fortes chances de provoquer un malaise dans la relation entre Alger et Tunis.

Depuis l’arrivée du président Kais Saïed au pouvoir, l’influence algérienne en Tunisie est telle que certains n’hésitent pas à qualifier ce pays de «Wilaya algérienne». Ce rapprochement s’était médiatiquement et politiquement incarné le jour où le président tunisien, à la surprise générale, accorda une réception officielle au chef du Polisario Brahim Ghali, imposé par le régime algérien au sommet Japon-Union africaine abrité cette année par Tunis.
Et depuis ce geste diplomatique d’une grande signification, la Tunisie de Kais Saïed s’est mise volontairement sous l’aile du régime militaire algérien, cassant par là une vieille tradition de neutralité politique à l’égard de cette crise maghrébine. K. Saïed a fait le choix de se ranger auprès d’Alger dans son bras de fer diplomatique avec le Maroc.
Rabat avait froidement encaissé le coup, limitant le niveau des relations avec la Tunisie à son minimum, constatant le changement de position des autorités tunisiennes. Dans un premier temps, le régime de Kais Saïed a joué les incrédules. Il faisait mine de ne pas comprendre ce haut-le-cœur diplomatique marocain. Mais avec le temps la réalité de ce tournant tunisien a fini par s’imposer à tous. Comme un grand troc : aides économiques contre distances avec le Maroc et sympathie avec le Polisario.

Au sein de l’élite tunisienne, les débats et les explications fusent. Entre ceux qui applaudissent cette mise sous le boisseau algérien de la Tunisie et ceux qui dénoncent une perte manifeste d’indépendance et de souveraineté. Le prix à payer pour Alger résidait dans une aide économique conséquente, des prix préférentiels pour le gaz et le pétrole. En échange, Tunis baisse son pavillon et se met aux ordres de l’agenda maghrébin de l’Algérie.
Ce rapprochement était d’une importance stratégique majeure pour Alger que le régime algérien avait pensé un temps lancer un mini maghreb sans le Maroc avec la volonté manifeste d’isoler le Royaume. Idée mort-née car sans le Maroc le Maghreb n’a pas de sens ni de pertinence.
Cette équation était relativement opportune pour les deux pays avant le 31 octobre, quand les Nations Unies n’avaient pas encore acté le Plan d’autonomie sous souveraineté marocaine comme solution à cette crise du Sahara. Aujourd’hui la donne a changé.
La perspective d’un maintien de cette discorde régionale vivace s’est brusquement éloignée. La solution définitive se dessine dans un horizon rapide. Et cette nouvelle donne a de fortes chances de provoquer un malaise dans la relation entre Alger et Tunis.

Ce malaise va s’articuler autour de ces interrogations. A quoi sert aujourd’hui cette allégeance tunisienne au régime algérien maintenant que les facteurs pour lesquels cette approche a été adoptée n’ont plus raison d’être. Il est vrai que les deux pays ont poussé leur amitié jusqu’à signer un accord de coopération et d’alliance militaire. Le but étant de peser lourdement sur les équations politiques régionales et les rendre défavorables au Maroc.
Aujourd’hui avec la grande accélération de l’ONU sur le Sahara, les ambitions régionales des uns et des autres ont créé une nouvelle situation et de nouveaux rapports de force. Alger aura moins besoin de Tunis surtout dans cette inévitable perspective où les Nations Unies pressent le régime algérien de respecter ses volontés et ses résolutions.

De l’autre côté, le débat tunisien, médiatique et politique, sur la pertinence de lier la Tunisie à l’agenda algérien repartira de plus belle avec beaucoup de pertinence et d’agressivité. Déjà de nombreuses voix tunisiennes avaient expliqué l’isolement et la décadence tunisienne à ce rapprochement inédit avec le régime militaire algérien. Elles accusent Alger de partager sa malédiction avec Tunis. Sans parler de ces voix, encore inaudibles sur le plan international, qui ont commencé à réclamer la récupération du Sahara tunisien que les ciseaux de la France, puissance coloniale, avaient injustement attribué à l’Algérie française. Des déclarations en ce sens du père de la jeune Tunisie indépendante réclamant ces provinces sahariennes spoliées par l’Algérie ont fleuri sur les réseaux sociaux, comme pour traduire une préoccupation qui n’a jamais quitté l’imaginaire national tunisien.

Il est à prévoir une séquence de tensions et de remises en cause dans les relations algéro-tunisiennes à partir du moment où le ferment de leurs alliances, le Polisario va disparaître. Tunis aura le choix entre suivre l’éventuelle politique de la terre brûlée algérienne ou s’en eloigner pour améliorer ses relations avec la communauté internationale.

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